John Sawyer, avocat éminent, mène une vie de
cynisme et d'alcoolisme depuis que sa femme l'a quitté. Quand le petit
ami de sa fille est accusé de meurtre, il décide de se reprendre et
entreprend sa défense durant le procès au tribunal...
Stranger in the House est une adaptation anglaise méconnue du célèbre roman de Simenon Les Inconnus dans la maison.
L'adaptation la plus célèbre demeure celle signée Henri Decoin en 1942
avec Raimu en tête d'affiche. L'intérêt du film de Pierre Rouve (plutôt fidèle
au livre à quelques grosses exception près comme l'identité du tueur)
est dans son déplacement de l'intrigue en Angleterre, ce qui donne une
portée différente aux thèmes du livre. La jeunesse oisive, turbulente et
finalement meurtrière donne ainsi un tour plus sombre à l'imagerie
pétaradante du Swinging London ce qui inscrit le film dans le sillage
d'autres œuvres anglaises de l'époque qui montrait (parfois dans des
velléités moralisatrices) un visage plus critique de cette période comme
The Party's Over de Guy Hamilton (1965), The Pleasure Girls de Gerry O'Hara (1965) ou Darling de John Schlesinger (1965).
On le ressent dès le générique pop à souhait (sur le titre Ain't that so
composé pour le film par The Animals) tandis que la scène de boite de
nuit qui suit nous plonge dans cette atmosphère hédoniste. Pourtant le
malaise se ressent déjà dans le rapport dominant/dominé entre les jeunes
gens, notamment les nantis Desmond (Ian Ogilvy) et Peter (Bryan
Stanyon) prenant de haut Jo (Paul Bertoya) fils de migrants et de plus
basse condition. Celui-ci est en couple avec Angela (Geraldine Chaplin),
jeune fille qui partage ce sentiment d'exclusion à cause d'un père
alcoolique (James Mason) qui l'a toujours rejeté.
Les maux de la
jeunesse se dissimulent sous cette oisiveté festive tandis que John
Sawyer (James Mason) noient les siens dans l'isolement et la boisson. Le
flashback est le révélateur essentiel des douleurs secrètes des
personnages. Pierre Rouve les introduits de manière ostentatoires et
hallucinée lorsqu'ils révèlent une faille psychique, le motif du blanc
(dans le décor transformé de la maison) ramenant Sawyer à sa culpabilité
dans la relation tumultueuse avec sa femme disparue et le rejet de sa
fille. Ce même blanc qui introduit le premier flashback criminel (en se
fondant dans le peignoir de Geraldine Chaplin dont c'est la couleur)
puis, plus ces retours en arrière auront un lien avec un mal "concret"
et donc le meurtre, moins leur mise en place seront démonstratifs et
reposeront plus sur le montage.
En effet les flashbacks ne surgissent
plus mais sont amenés par Sawyer qui mène l'enquête pour innocenter Jo
accuser du meurtre de Barney Teale (Bobby Darrin) mentor maléfique de la
bande de jeune. L'avancée de l'enquête et les révélations nous montrent
ainsi la facticité de cette modernité juvénile, le rapport de classe
typiquement anglais se jouant dans le mépris qu'on les jeunes nantis
envers leur camarade plus modeste et coupable idéal. Ce n'est qu'un
prolongement des vieux codes de la société anglaise que Rouve montre les
rapports de Sawyer à sa famille d'aristocrate qui le méprise mais qui
ne vaut guère mieux sous ce vernis.
James Mason est une fois de
plus excellent en vieil ours bougon incapable d'exprimer ses sentiments,
et se révèle un sacré poil à gratter face à la "coolitude" des jeunes
ou la solennité des vieux. Les dialogues goguenards sont balancés avec
élégance (irrésistible réaction décontractée de Mason quand il découvre
un cadavre dans son grenier), puis l'acteur gagne progressivement en
profondeur par le lien qui se renoue avec sa fille à travers l'enquête.
L'espace du récit s'élargit également avec l'éveil du personnage, sa
demeure étouffante laissant place à un Londres sixties aux atmosphères
hétéroclites.
La scène finale traduit ce cheminement en le voyant
dynamiter de sa gouaille une soirée mondaine avant de confondre le
meurtrier en lui lisant tout simplement (et là la diction légendaire de
James Mason fait merveille) la dernière phrase du Crime et Châtiment de Dostoïevski. Une adaptation très intéressante donc, rehaussée par la présence d'un immense acteur.
Sorti en BR et dvd zone 2 anglais doté de sous-titres anglais chez BFI
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