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mardi 6 août 2019

Basic Instinct - Paul Verhoeven (1992)


L'action se déroule à San Francisco et ses environs. Catherine Tramell (Sharon Stone), une romancière richissime est soupçonnée du meurtre de son amant, la rock star Johnny Boz. Celui-ci a été assassiné à coups de pic à glace dans des circonstances similaires à celles décrites dans l'un des romans policiers qu'elle a écrits. Nick Curran (Michael Douglas), un policier chargé de l'enquête et ayant un lourd passé judiciaire, doit faire face à cette « mante religieuse », qui n'hésite pas à utiliser ses charmes pour arriver à ses fins.

Paul Verhoeven signe le plus gros succès de sa période américaine avec le sulfureux Basic Instinct. Comme dans ses autres films américains, le réalisateur entrecroise son sens de la provocation à une facette emblématique de son pays d’accueil. Le capitalisme triomphant des années 80 avait droit à sa peinture au vitriol dans Robocop (1987), le rêve américain était dépeint dans tout son envers sordide avec Showgirls (1995) tandis que le patriotisme propagandaire et militarite de Starship Troopers (1997) est largement moqué. Basic Instinct à une démarche plus cinéphile dans son audace avec ce détournement du classique Vertigo (1956) d’Alfred Hitchcock revisité à l’aune du thriller érotique.

Le scénario est tout en réminiscences plus ou moins subtiles d’Hitchcock. Brian De Palma est certes déjà passé par là en terme de maniérisme, fétichisme et détournement mais Verhoeven tire son épingle du jeu en étant moins dans la relecture que dans le pastiche (y compris dans le magnifique score de Jerry Goldsmith décalquant avec brio Bernard Herrmann) outrancier mais conservant miraculeusement son premier degré. Le squelette de l’intrigue est donc le même avec le flic Nick Curran (Michael Douglas) menant l’enquête sur Catherine Tramell (Sharon Stone), jeune femme blonde et provocante à la personnalité trouble. 

Le policier possède ses traumas (autrement plus coupables que les vertiges de James Stewart) qui se retourneront contre lui au cours de l’enquête. Le motif du double se joue de manière consciente et quasi méta (toujours ce lien à Vertigo) mais également dans la construction du suspense puisque les éléments façonnant l’ambiguïté sur la culpabilité de Catherine Tramell (le crime au pic à glace déjà contenu dans les romans de Catherine Tramell, la folie pure, le gout du risque ou une manipulation créant la suspicion) seront les même que ceux qui accuseront Nick ayant menacé la future victime dont on l’accusera de la mort.

La différence est que chez Verhoeven le combat des personnages face à leur part d’ombre est plus trouble. Les gros raccourcis du script (payé à prix d’or à l’époque) de Joe Eszterhas  importe peu face à l’ambiguïté des personnages capturée par le réalisateur. Le fétichisme hitchcockien compte moins que le désir de dominer, posséder l’autre, via le sexe de surcroît. Les démons de Nick ressurgissent par le désir qu’il éprouve pour Catherine et se joue dans ses addictions (alcool, cigarettes), cette volonté de possession qui passe par une intermédiaire (la brutale scène de sexe avec Jeanne Tripplehorn) et à nouveau la soumission quand il tombe dans les bras de Catherine. Cette dernière sème le chaud et le froid selon les aléas du script, la séduction, liberté sexuelle et provocation s’articulant sur sa facette manipulatrice et criminelle opposé à une vulnérabilité dissimulée sous les excès. 

C’est clairement dans l’aspect outrancier que la prestation de Sharon Stone étincelle. D’une séduction trouble en jouant de sa photogénie affolante, elle est également capable d'un abandon lascif et menaçant dans les scènes de sexe. Comme toujours le corps est un instrument de pouvoir chez les héroïnes de Verhoeven (et pour une fois ici à mauvais escient), attirant l’œil concupiscent, déstabilisant l’interlocuteur - la légendaire scène du décroisement de jambe – et surtout emprisonnant sa victime consentante. La prestation de l’actrice (qui ose son va-tout dans ce premier rôle inespéré après des années de vache maigre) conjugué à la mise en scène sensuelle de Verhoeven fait que CHAQUE scène de lit distille toujours stupre et menace à travers les jeux érotiques des personnages. Le jeu sur le pur et l’impur, l’ombre et la lumière, fonctionnent avant tout grâce à cette filiation Hitchcockienne. Lors de la scène de l’interrogatoire, Catherine arbore une tenue proche de la Kim Novak de Vertigo mais en plus moulante, échancrée et raccourcie pour aboutir au fameux décroisement de jambe. 

Les retrouvailles dans un bois en bord de mer rappellent à nouveau une des scènes les plus romantiques de Vertigo mais cette fois pour servir un ménage à trois bisexuel – prétexte à l’ire des ligues LGBT avant même la sortie du film même si on retiendra une réplique homophobe bien corsée de Michael Douglas. Et bien évidemment l’hésitation de Curran entre la brune Jeanne Tripplehorn et la blonde Sharon vient compléter le tableau. Verhoeven échoue dans le whodunit (les scènes de filature dans San Francisco où plane le fantôme du modèle mais sans la fascination) dont il n’a en vérité que faire. L’ambiguïté ne repose pas sur la culpabilité de Catherine, mais plutôt sur la présence d’une vraie amoureuse derrière la manipulatrice. Ainsi ce dernier plan sur le pic à glace distrait quant à son objectif, car c’est bien son non-usage (et la fin du roman de Catherine modifiée) qui fait tout le sel de ce portrait de femme. Clairement pas le meilleur film de la carrière américaine du réalisateur, mais certainement le plus emblématique.

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Studiocanal 

 

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