Sherlock Holmes et le docteur Watson sont sur
la piste de Jack l'Éventreur. Leur enquête va les mener dans l'entourage
de la famille royale, du gouvernement britannique et de la
franc-maçonnerie.
Le duel entre le fin limier imaginé par
Arthur Conan Doyle et le serial-killer insaisissable de White Chapel est
un fantasme de fiction qui démarra à l'époque même des faits sordides
et de la publication des aventures de Sherlock Holmes. Par la suite
toute une littérature et des films obscurs allaient alimenter cela
jusqu'à la production nantie et prestigieuse que constitue Meurtre par décret.
Le film de Bob Clark puise son inspiration dans deux sources majeures
parues peu avant sa sortie. Pour l'intrigue il s'agit d'une adaptation
du roman The Ripper File de Elwyn Jones et
John Lloyd qui suivait deux détectives (transformés en Holmes et Watson
pour le film) lancé sur la piste de Jack l'Éventreur et où la
contextualisation sociale et historique avait une importance
fondamentale qu'on retrouve dans le film.
L'autre ouvrage de base est Jack the Ripper : The Final Solution
de Stephen Knight, livre-enquête qui suggérait un complot impliquant
la famille royale et les francs-maçons dans les crimes Jack l'Éventreur.
Si la crédibilité des thèses du livre a largement été désavouée depuis,
elle va nourrir tout un imaginaire où puisent donc Meurtre par décret, plus tard la bd From Hell d'Alan Moore et bien évidemment l'adaptation qu'en feront les frères Hughes en 2002.
Hormis deux ou trois scènes chocs, Bob Clark pourtant venu du cinéma d'horreur (avec les deux réussites que sont Le Mort vivant (1974) et Black Christmas
(1974)) est relativement sage sur ce point. Le premier crime cède à
tous les clichés esthétiques associés au sujet avec les ruelles
crasseuses de White Chapel plongées dans la brume nocturne (l'historien
du crime Stéphane Bourgoin raconte d'ailleurs la nature fantasmée de cet élément,
tous les crimes ayant eu lieu de jour au petit matin), avant un
saisissant meurtre en caméra subjective où la première victime succombe
férocement étranglée. Parmi les autres moments graphiques et glaçants,
on aura aussi la visite d'un asile psychiatrique cauchemardesque et un
dernier meurtre dont on devine tremblant la nature sanglante à travers
la buée d'une vitre. Pour le reste, Bob Clark s'intéresse
essentiellement à la facette sociale et complotiste de ses inspirations
littéraire. Dès le début avec l'arrivée à l'opéra du Prince de Galles
sifflé par les radicaux, cette tension sociale est palpable.
L'esthétique du film y participe avec finalement un sens à cet usage de
la brume qui dissimule les maux de la plèbe et illustre l'indifférence
des nantis dont les beaux quartiers dans une même temporalité exposent
leur élégance dans une pure clarté formelle.
L'enquête de Holmes
et Watson nous fait donc remonter les arcanes du pouvoir et de la
corruption ambiante, prêt à tout pour masquer la vérité. Bob Clark
oscille entre les éléments sociologiques concrets de ce contexte (le
sensationnalisme de la presse, le racisme faisant de l'étranger et plus
précisément les juifs le suspect désigné) et le pur imaginaire (Donald Sutherland en médium halluciné) avec le
fiacre funeste qui traverse les lieux du crime, la nature grotesque et
dégénérée du coupable lorsqu'il sera démasqué. Le scénario mêle bien
cette dimension de classe obsédant la société anglaise avec une forme de
fanatisme qui conduira aux exactions de Jack l'Éventreur.
Christopher
Plummer incarne un Holmes bien plus vulnérable et sensible que dans les
romans, bien secondé par un James Mason très attachant dans son constant
temps de retard face à l'esprit en ébullition de son acolyte.
Visuellement la reconstitution est élégante (superbes plans de maquettes
et matte-painting dans les vues panoramiques de Londres) mais on
regrettera que Clark se montre si mollasson dans les moments de suspense
et d'action (qu'il sait pourtant remarquablement amener) où l'exécution
quelconque (un enlèvement en plein jour, le duel final) fait un peu
retomber la tension. Très intéressant donc même si sur le sujet on peut
préférer le téléfilm des années 80 avec Michael Caine, ou le From Hell
des frères Hughes à l'ambiance plus oppressante.
Sorti en dvd zone 2 français chez Studiocanal
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