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jeudi 7 novembre 2019

The House of Us - Uri jib, Yoon Ga-eun (2019)


Ha-na, 12 ans, tente tant bien que mal de maintenir l’unité de ses parents qui se déchirent. Yoo-mi et Yoo-jin sont un peu plus jeunes et vivent presque seules. Leur rencontre à toutes les trois le temps d’un été va les rapprocher. Elles vont former une famille à part, avec l’espoir que leur lien les aidera à sauver leurs familles respectives.

Yoon Ga-eun avait émerveillé avec son premier film The World of us (2016), où elle s’avérait une merveilleuse peintre des bonheurs et heurts du monde de l’enfance. Si cette œuvre inaugurale pouvait témoigner d’une influence du japonais Kore-eda, The House of Us voit s’ajouter celle de Shinji Somai et en particulier de son poignant Moving (1993) où cette innocence de l’enfance luttait pour subsister face aux maux des adultes. Le film de Yoon Ga-eun cumule et divise d’ailleurs les deux traumatismes de l’héroïne de Moving, la séparation des parents et l’arrachement d’un déménagement. Hana (Kim Na-Yeon) est une fillette confrontée aux rapports de plus en plus tumultueux de ses parents qu’elle craint de voir se séparer. La scène du dernier jour de classe la voyant se faire décerner le prix du dévouement par ses camarades de classe la caractérise d’emblée. 

Plutôt que de subir le délitement du lien unissant ses parents, elle va chercher à l'endiguer. Tout au long du film, la mise en scène souligne la nature d’observatrice et d’actrice de Hana sur son environnement à travers un point de vue subjectif sur les dysfonctionnements auxquels elle assiste, puis se focalise sur son visage bienveillant et déterminé pour nous faire comprendre qu’elle cherchera à y remédier par l’action. Ce dispositif fonctionne sur les séquences au sein de son propre foyer puis ensuite lorsqu’elle fera la rencontre de Yoo-mi (Kim Si-a) et Yu-jin (Joo Ye-rim), deux fillettes plus jeunes pour lesquelles elle fera office de grande sœur. Hana va ainsi d’abord envier à distance la cohésion familiale de ses futures amies avec leurs parents, puis plus tard leurs facéties dans un supermarché. C’est ensuite seulement quand elle pourra se rendre utile que l’interaction entre les fillettes aura lieu quand Hana va aider la cadette Yu-jin perdue à retrouver sa sœur. 

L’empathie, la dévotion et la sensibilité de l’héroïne se ressent ainsi en quelques vignettes, avant de la confronter à des situations que ses qualités ne pourront pas compenser. La naïveté d’Hana lui amène è espérer que les instants partagés, d’un simple repas à un voyage en famille, permettront de ressouder les liens et éviter le divorce de ses parents. Le parallèle entre cette candeur et les échanges acerbes des parents est frappant, la réalisatrice se montrant universelle mais aussi plus spécifiquement critique envers la société coréenne pour souligner les failles des adultes. L’exigence et le carriérisme forcené de la mère se heurtent ainsi au dilettantisme du père, illustrant une éducation opposée des enfants en filigrane (on comprend que comme beaucoup d’enfants coréens Hana a subit des cours du soir (élément évoqué dans The World of Us), que le père laisse plus les enfants vivre que la mère bien plus pressante, les deux approches étant contre-productives). Les solutions d’Hana sont à la fois justes et trop simples pour répondre à des problématiques trop complexes, mais que les situations souligne avec tendresse et humour et espièglerie – Hana cachant le portable de son père pour qu’il ne parle plus à sa maîtresse, faisant du chantage à son frère pour convaincre les parents de faire le fameux voyage en famille.

Yoo-mi et Yu-jin doivent quant à elles affronter un déménagement de plus dont elles vont souffrir. Avec l’aide d’Hana, une nouvelle fois les solutions les plus innocentes et drôles seront mise en œuvre pour empêcher cet arrachement en sabotant de manières diverses toutes les visites de potentiels locataire de l’appartement. Entre le foyer à couteaux tirés où l’on ne peut plus rester et celui duquel on nous arrache, les fillettes en façonne un autre, celui de leur amitiés et moments complices, celui de leur enfance mise à mal en somme. La réalisatrice accorde de longues plages contemplative aux activités banales de coloriages, de rires et de jeux où se façonne ce cocon enfantin où tous les problèmes s’oublie - dans un écrin formel solaire et estival qui se conjugue au couleurs douce de l'enfance dans les tenues et environnements au couleurs douces et pastels. Une scène résume parfaitement cela lorsque Hana prise d’un coup de blues après un énième conflit de ses parents retrouve le sourire quand Yoo-mi lui offrira une petite boite contenant un cœur souriant. Ce leitmotiv de la boite court d’ailleurs tout au long du récit, réceptacle de nos douleurs, nos secrets, mais aussi socle de ce second foyer où l’on peut se réfugier puisque c’est dans cette matière cartonnée que les enfants vont se construire symboliquement une maison.

Toutes les jeunes actrices sont incroyablement justes et touchante (Yoon Ga-eun confirmant ce talent de directrice d’enfants déjà stupéfiant dans The World of US) en particulier Kim Na-Yeon faisant passer d’infinies nuances pour exprimer sa détresse. L’amitié les unissant se ressent avec une force implicite latente tout du long, et explose parfois aussi de manière plus explicite et bouleversante (la séparation finale où Yoo-mi demande à Hana si elle sera toujours leur grande sœur). Ce monde de l’enfance ne sera cependant pas une bulle à l’abri du monde, la fuite en avant finale (lorgnant cette fois sur I Wish (2010) de Kore-eda) montrant comment cette découverte du mur des problématiques adulte peut même briser l’allant de la lumineuse Hana. Il faut donc accepter chaque bonheur comme provisoire, le foyer n’en est pas moins chaleureux le temps d’une nuit sous une tente, que durant un repas pour se faire pardonner. C’est l’éphémère de ces moments qui les rend si précieux, et le titre The House of Us désigne finalement autant le foyer qu'on accepte que celui que l'on se façonne. 

Découvert au Festival du Film coréen à Paris 

 

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