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jeudi 14 novembre 2019

Un mari idéal - An Ideal husband, Alexander Korda (1947)

A Londres en 1895. Sir Robert Chiltern, personnalité politique très en vue et très honorable, fait la connaissance lors d'une soirée mondaine d'une belle aventurière, Mrs Cheveley. Cette dernière tente de le persuader de favoriser une vaste escroquerie en lui révélant qu'elle détient des informations compromettantes concernant sa carrière.

Alexander Korda signe son ultime réalisation (même s'il poursuivra longuement son activité de producteur durant les années suivantes) avec Un mari idéal, adaptation de la célèbre pièce d'Oscar Wilde. Au fil de ses réalisations et productions, Korda aura su poser un regard déférent, patriotique et aussi ironique sur sa terre d'accueil anglaise. Fin observateur de la société anglaise où il est à la fois intégré et extérieur, Korda a donc un statut pas si éloigné de celui d'Oscar Wilde, idole et bientôt paria de par ses mœurs au moment où il écrira la pièce en 1895. Le récit est ainsi à la fois un regard critique sur les relations homme/femme par le prisme des spécificités de la haute société anglais.

Robert Chiltern (Hugh Williams) est un homme politique en vue et vu comme un modèle de probité par ses pairs. Il est littéralement idolâtré par son épouse Gertrude (Diana Wynyard) qui voit en lui l'incarnation de la perfection. Cependant avant d'atteindre cette réussite Chiltern comme tout homme ambitieux est passé par des chemins de traverse parfois peu scrupuleux qui viennent se rappeler à lui en la personne de l'aventurière Mrs Cheveley (Paulette Goddard) qui va exercer un odieux chantage sur lui. L'enjeu est une escroquerie (où Wilde s'inspirait d'un réel délit d'initié ayant eu lieu en France lors de la construction du Cana de Suez) dont Chiltern doit soutenir le projet à la chambre des députés. Pour Chiltern la perspective d'une déchéance politique et publique semble pourtant moins douloureuse que celle de tomber du piédestal sur lequel l'a élevé sa femme. On observe ainsi pour les hommes l'attente d'une perfection difficile à assumer alors qu'à l'inverse l'inconséquence des femmes est un charmant trait de caractère que l'on peut tolérer (dans une logique machiste et infantilisante).

Le dandy oisif Goring (Michael Wilding) est conspué par son ombrageux père (C. Aubrey Smith habitué de ce registre de vieux bougon aristocrate anglais) alors que la jeune Mabel (Glynis Johns) est montré sous un jour adorable dans ses attitudes de femme-enfant. L'opprobre vous frappe pour ne plus jamais vous quitter dans cette société inquisitrice comme le montre la soirée mondaine d'ouverture où le passé de Mrs Cheveley la précède. Elle l'assume pourtant ce qui lui donne un ascendant sur ses interlocuteurs figés par les entraves du paraître, et Korda le traduit par l'extravagance des couleurs et lignes de ses tenues qui la démarquent autant que son attitude espiègle. Paulette Godard dans ce registre extraverti et décomplexé se régale évidemment. Korda en fustigeant l'intolérance des autres la rendrait presque attachante malgré ses manigances douteuse et toutes les joutes verbales avec Michael Wilding (autre paria assumé même si plus positif) donne lui à des moments savoureux.

Formellement c'est d'un faste constant avec ces teintes pastel si particulière au Technicolor anglais avec la photo de Georges Périnal, la mise en scène (par les cadrages, les jeux d'ombres dans l'alcôve des lieux intimes) de Korda faisant des environnements luxueux une prison symbolique. Les jugements hâtifs et saillies intolérantes y frappent de plein fouet, notamment dans les captivantes scènes entre Chiltern et Gertrude où le premier essuie indirectement puis frontalement le mépris de la seconde pour ceux qui ont daignés commettre une erreur. Ecrin chatoyant, bons mots et message passionnant, une belle réussite donc !

Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant Films 

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