A Londres en 1895. Sir Robert Chiltern,
personnalité politique très en vue et très honorable, fait la
connaissance lors d'une soirée mondaine d'une belle aventurière, Mrs
Cheveley. Cette dernière tente de le persuader de favoriser une vaste
escroquerie en lui révélant qu'elle détient des informations
compromettantes concernant sa carrière.
Alexander Korda
signe son ultime réalisation (même s'il poursuivra longuement son
activité de producteur durant les années suivantes) avec Un mari idéal,
adaptation de la célèbre pièce d'Oscar Wilde. Au fil de ses
réalisations et productions, Korda aura su poser un regard déférent,
patriotique et aussi ironique sur sa terre d'accueil anglaise. Fin
observateur de la société anglaise où il est à la fois intégré et
extérieur, Korda a donc un statut pas si éloigné de celui d'Oscar Wilde,
idole et bientôt paria de par ses mœurs au moment où il écrira la pièce
en 1895. Le récit est ainsi à la fois un regard critique sur les
relations homme/femme par le prisme des spécificités de la haute société
anglais.
Robert Chiltern (Hugh Williams) est un homme politique
en vue et vu comme un modèle de probité par ses pairs. Il est
littéralement idolâtré par son épouse Gertrude (Diana Wynyard) qui voit
en lui l'incarnation de la perfection. Cependant avant d'atteindre cette
réussite Chiltern comme tout homme ambitieux est passé par des chemins
de traverse parfois peu scrupuleux qui viennent se rappeler à lui en la
personne de l'aventurière Mrs Cheveley (Paulette Goddard) qui va exercer
un odieux chantage sur lui. L'enjeu est une escroquerie (où Wilde
s'inspirait d'un réel délit d'initié ayant eu lieu en France lors de la
construction du Cana de Suez) dont Chiltern doit soutenir le projet à la
chambre des députés. Pour Chiltern la perspective d'une déchéance
politique et publique semble pourtant moins douloureuse que celle de
tomber du piédestal sur lequel l'a élevé sa femme. On observe ainsi pour
les hommes l'attente d'une perfection difficile à assumer alors qu'à
l'inverse l'inconséquence des femmes est un charmant trait de caractère
que l'on peut tolérer (dans une logique machiste et infantilisante).
Le
dandy oisif Goring (Michael Wilding) est conspué par son ombrageux père
(C. Aubrey Smith habitué de ce registre de vieux bougon aristocrate
anglais) alors que la jeune Mabel (Glynis Johns) est montré sous un jour
adorable dans ses attitudes de femme-enfant. L'opprobre vous frappe
pour ne plus jamais vous quitter dans cette société inquisitrice comme
le montre la soirée mondaine d'ouverture où le passé de Mrs Cheveley la
précède. Elle l'assume pourtant ce qui lui donne un ascendant sur ses
interlocuteurs figés par les entraves du paraître, et Korda le traduit
par l'extravagance des couleurs et lignes de ses tenues qui la
démarquent autant que son attitude espiègle. Paulette Godard dans ce
registre extraverti et décomplexé se régale évidemment. Korda en
fustigeant l'intolérance des autres la rendrait presque attachante
malgré ses manigances douteuse et toutes les joutes verbales avec
Michael Wilding (autre paria assumé même si plus positif) donne lui à
des moments savoureux.
Formellement c'est d'un faste constant
avec ces teintes pastel si particulière au Technicolor anglais avec la
photo de Georges Périnal, la mise en scène (par les cadrages, les jeux
d'ombres dans l'alcôve des lieux intimes) de Korda faisant des
environnements luxueux une prison symbolique. Les jugements hâtifs et
saillies intolérantes y frappent de plein fouet, notamment dans les
captivantes scènes entre Chiltern et Gertrude où le premier essuie
indirectement puis frontalement le mépris de la seconde pour ceux qui
ont daignés commettre une erreur. Ecrin chatoyant, bons mots et message
passionnant, une belle réussite donc !
Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant Films
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