Deux femmes : une
histoire mêlée. Alors que Weronika vit à Cracovie (Pologne), Véronique (Irène
Jacob), elle, vit à Clermont-Ferrand (France). Sans qu'elles se connaissent, la
mort de l'une (Weronika), qui s'évanouit et s'éteint durant son premier concert
de choriste, semble changer sensiblement la vie de l'autre Véronique.
La Double Vie de
Véronique est pour Krzysztof Kieślowski l’œuvre qui suit la reconnaissance
internationale de son cycle Le Décalogue
(1988) et plus particulièrement les versions longues de Tu ne tueras point et Brève
histoire d'amour. La Double Vie de
Véronique dépeint une quête de soi à travers le motif du double, deux
figures féminines voyant leur destin, espérances et angoisse se répondre en
miroir. Le lien le plus évident repose sur leur gémellité physique (toutes deux
étant incarnées par Irène Jacob) et la dichotomie se faisant sur leur
environnement différent, la Pologne pour Weronica et la France pour Véronique.
La facilité aurait été d’entrecroiser les deux récits à coup
de ponctuations/échos formels et narratifs par le montage mais Kieślowski se montre plus
audacieux que cela. La première partie constitue un vrai moment de grâce où
nous accompagnons les errances de Weronica à Cracovie. L’épanouissement de
Weronica passe par l’accomplissement artistique, l’impasse malheureuse au piano
l’ayant guidé vers le chant et c’est précisément sur un pur moment de magie d’une
de ses mélopées que nous est introduit le personnage. Malgré son petit ami
Weronica semble sans attache sentimentale, flottant face au regard bienveillant
de son entourage (sa tante et son père) et cherchant la grâce et l’abandon dans
les envolées vocales du concert pour lequel elle est embauchée. Cependant le
personnage ressent comme un vide, la quête d’autre chose qui se manifeste
physiologiquement par les battements incertains de son cœur, puis
métaphoriquement et/ou physiquement avec la rencontre de son double dans le
tumulte des rues de Cracovie. Le mystère restera irrésolu pour elle, dans un
dernier souffle divinement chanté.
La partie sur Véronique fonctionne à la fois en miroir
inversé mais aussi en écho de celle de Weronica. On la découvre dans le plaisir
charnel au lit avec un homme, soit le type de proximité à laquelle cherchait
finalement à échapper Weronica. Véronique fuit quant à elle le refuge
artistique de son double (elle ayant pourtant bien accompli son talent de
pianiste) et recherche un bonheur plus intime. Weronica était un personnage
rêveur dont le détachement constituait l’attrait mais aussi la perte, Kieślowski
fait de Véronique un être plus lucide (y compris dans des éléments très concret
comme la conscience de sa maladie cardiaque) qui poursuivra plus explicitement
ce vide qu’elle ressent plutôt que de le subir. Les moyens employés n’en sont
pas moins singuliers et cause de moments abstraits et suspendus avec la quête
de ce marionnettiste (Philippe Volter).
On traverse le film comme dans un rêve éveillé où la photo
de Sławomir Idziak prolonge cet état halluciné, le travail sur la bande-son
formant un voile ou un éclaircissement quant à ce questionnement intérieur. Les
si évidents et envoutants apartés musicaux de Weronica symbolisent sa fuite du
réel quand le très abstrait enregistrement sonore bruitiste que chérit
Véronique la guidera vers une forme de vérité. Le film interroge sur le choix
entre les brumes du songe et les éclats du réel en laissant le spectateur libre
de sa préférence.
L’hypnotique (et dépaysante pour le spectateur français)
partie polonaise débouche sur une disparition quand la plus ténue et laborieuse portion française est plus inégale (tels les tâtonnements de la vie
finalement) mais fait évoluer son héroïne. Un dilemme en tout point magique qui en fera un nouveau succès critique (Prix
d'interprétation féminine, Prix du Jury œcuménique et Prix FIPRESCI au Festival
de Cannes 1991).
Sorti en dvd zone 2 français chez MK2
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