Louis (Leslie Cheung) est un adorable jeune
homme issu d'une famille riche, auquel sa mère trépassée manque
fortement. Il a une bonne relation amicale avec sa cousine Kathy (Pat
Ha). Louis et Kathy rencontrent ensuite Tomato (Cecilia Yip), qui
devient la petite amie de Louis, et Pong (Kent Tong), qui devient le
petit ami de Kathy. Les quatre amis vivent une vie ordinaire ensemble,
traînent sans but précis, et partagent leurs rêves et difficultés au
cours de fréquents voyages dans les îles au large de Hong Kong. Mais le
passé de Kathy revient la hanter. Elle vivait autrefois au Japon, et
avait une liaison avec Shinsuke Takeda (Yung Sai-Kit), un Japonais
membre de l'Armée rouge japonaise.
Patrick Tam est un des
réalisateurs majeurs de la Nouvelle Vague hongkongaise au côté d'Ann Hui
où Tsui Hark, dont il partage le parcours avec un passage au cinéma
après des débuts à la télévision. Les films de la Nouvelle Vague
hongkongaise se caractérisent notamment par le dynamitage des genres (ce
que feront Patrick Tam et Tsui Hark dans le wu xia pian avec The Sword (1980) pour le premier et Butterfly Murders (1979) pour le second), les thèmes sociaux et l'observation de la jeunesse locale (la trilogie vietnamienne d'Ann Hui, L'Enfer des armes (1980) de Tsui Hark) et pour l'ensemble un goût de la rupture de ton constant. Nomad constitue une forme de synthèse de tout cela démontre tout le talent de Patrick Tam.
Le titre Nomad
a plusieurs signification au sein du film. Elle est purement narrative
tout d'abord puisque c'est le nom du bateau que les personnages
souhaitent emprunter pour quitter Hong Kong et voyager vers les pays
arabes. Si l'on s'en tient à la stricte définition du nomadisme (le
déplacement à des fins vitales et comme style de vie), cela endosse
également une dimension thématique à travers les héros juvéniles du
film. Cette capacité de changement, d'adaptation, les concerne tous.
Louis (Leslie Cheung) jeune homme mélancolique vivant dans le souvenir
de sa mère défunte raccrochera avec le réel du monde qui l'entoure grâce
à sa rencontre avec Tomato (Cecilia Yip). Cette dernière symbolise
aussi cette aptitude à l'évolution en échappant à un amour toxique et
obsessionnel pour un goujat, et affirme même cette nature changeante
lors d'une double conversation téléphonique avec l'homme qu'elle
poursuit en vain et un prétendant qu'elle éconduit cruellement.
C'est la
fracture sociale entre le prolo Pong (Kent Tong) et la nantie Kathy
(Pat Ha) s'estompe également à travers l'attirance mutuelle. L'autre
manifestation de cet art du contrepied repose sur les humeurs
changeantes du récit. Pong et Kathy se rencontrent, se taquinent et se
séduisent dans une pure veine comique (la screwball comedy n'est pas
loin) et c'est par l'humour que le fossé social entre eux se révèle
(excellente scène où Pong évacue en vain l'appartement familial pour
inviter sa belle à un tête à tête) puis se surmonte par une approche
sensuelle en diable (magnifique étreinte amoureuse dans le bus). Il en
va de même avec les déboires de Tomato suscitant tour à tour rire (la
double scène téléphonique précédemment évoquée) puis profonde émotion à
travers la solitude que dégage le personnage, et la manière dont elle se
reconnaît sous une autre forme en Louis.
Patrick Tam tisse un écrin formel qui navigue entre réalisme
bienveillant (l'environnement chaleureux de Pong, la caractérisation
brève mais attachante de sa famille) et imagerie de roman photo estival
ou magazine de mode papier glacé aux teintes pastels, au voile diaphane
stylisé et romantique (qui mobilise pas moins de trois directeur photo
avec David Chung, Peter Ngor et Bill Wong). Tout cela permet de sublimer
la photogénie du casting juvénile dans de superbes compositions de
plan, Leslie Cheung et la superbe Pat Ha en tête. L'ensemble du film
baigne donc dans une humeur "chill", doucereuse et amusée, que Patrick
Tam vient brutalement bousculer dans la dernière partie.
Ce nomadisme
des corps et des esprits va se confronter au réel et à la pensée plus
figée de ces extrêmes avec ce personnage de japonais déserteur de la Red
Army. L'idéal romantique et hédoniste est soudain mis à mal, ce que
Patrick Tam traduit par un saisissant final qui vrille de façon
inattendue vers le film de sabre sanglant et remarquablement filmé
(l'expérience du précédent The Sword et des wu xia pian télévisé
assurant l'efficacité fulgurante de la séquence). Le rêve est intact
mais désormais baigné d'amertume, sortir des sentiers battus ayant un
prix. Très belle réussite à l'atmosphère vraiment marquante.
Sorti en dvd hongkongais sous-titré anglais
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