Pages

jeudi 6 février 2020

China Gate - Samuel Fuller (1957)


À la fin de la guerre d’Indochine, un commando de la Légion étrangère s’apprête à effectuer une dernière mission : détruire les tunnels renfermant le stock d’armes des combattants communistes menés par le commandant Cham. Pour cela, ils font appel à une séduisante Eurasienne surnommée Lucky Legs. Ayant mis en place un trafic d’alcool dans la région et connaissant bien Cham, elle seule peut les aider à mener à bien leur mission. Mais la présence de son ex-mari, le sergent Brock, qui l’a abandonnée à la naissance de leur fils, va créer de nombreuses tensions au sein du groupe...

China Gate sort en salle alors que la Guerre Froide bat son plein, et le postulat du film ainsi que son ouverture façon « actualités documentaires » laisserait croire que nous allons voir un film de propagande anti-rouge. Cependant Samuel Fuller durant ces années 50 n’aborde ce type de sujets sensibles que pour faire écho de son expérience douloureuse du front et y observer les hommes face à leur doute, ainsi que pour exprimer sa vision humaniste. C’est notamment le cas dans Baïonnette au canon (1951) ou J’ai vécu l’enfer de Corée (1951). De façon générale, le déracinement et le choc des cultures est ce qui intéresse Fuller observant l’humain plutôt que les idéaux à travers les couples mixtes de La Maison de Bambou (1955) ou Le Kimono Pourpre (1959).

C’est précisément l’approche de China Gate où une fois le contexte posé (et le ton guerrier vantant l’action française en Indochine de l’ouverture), les questionnements intimistes prédomine. C’est comme souvent chez Fuller la femme qui est synonyme de modernité et d’ouverture avec la métisse Lucky Legs (Angie Dickinson) guidant un commando de la légion étrangère à travers la jungle pour détruire un stock d’armes ennemi. L’enjeu est pour elle en cas de réussite d’envoyer son fils aux Etats-Unis, loin du conflit. Le hasard veut que son ex-mari Brock (Gene Barry) soit le chef de la mission, celui-là même qui la quitta car ne supportant pas d’avoir un enfant aux traits asiatiques. Les différentes péripéties sont donc l’occasion de douloureuses retrouvailles où le couple va s’opposer, et peut-être s’aimer à nouveau en surmontant les préjugés. Les contradictions et les traumatismes enfouis se jouent aussi au sein d’un commando melting-pot venu fuir quelque chose dans l’engagement guerrier aveugle. 

Un ancien soldat de l’armée allemande, un ex gendarme français qu’on peut soupçonner d’avoir été collabo, un polonais victime de l’occupation soviétique, tous traînent un passé trouble et l’américain Brock n’est certainement pas plus mis à son avantage. Angie Dickinson, séduisante, gouailleuse et déterminée est par ses motivations nobles la lumière qui humanise le groupe au-delà de l’idéologie, ce qu’on trouvait déjà chez Fuller avec la Jean Peters de Le Port de la drogue (1953), Barbara Stanwyck dans Quarante tueurs (1957) soit des figures féminines capables d’évoluer par amour et une cause juste. Ce collectif rapiécé est ainsi une incarnation de la seconde chance, à l’image du beau personnage de Nat King Cole dépassant la tirade belliqueuse (Je n’ai pas fini ce que j’avais commencé en Corée. Il reste beaucoup de communistes vivants dans le coin. ») qui nous l’introduit.

Tout cela s’inscrit dans un film de guerre rondement mené et aux éclairs de violence fulgurant. Fuller transcende son décor de jungle de studio pour instaurer un climat de menace où la moindre accalmie, le moindre relâchement se paie cash, autant par les troupes ennemis que les propres démons qui ronge le commando. La conclusion est à la fois tragique et bienveillante, la perte ouvrant à un amour filial qui a balayé les préjugés dans l’aventure.

Sorti en dvd zone 2 et bluray chez Carlotta 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire