Dans
le métro, Candy se fait voler son portefeuille par Skip Mc Coy, un
pickpocket aguerri. Des policiers qui suivaient la jeune femme
soupçonnée d'être un agent de liaison communiste, assistent à la scène
sans pouvoir intervenir. De retour chez lui, Mc Coy découvre que le
portefeuille contient un microfilm. Policiers et communistes vont
essayer de le récupérer.
Fuller réalise un des fleurons du film noir avec ce mémorable
Pickup on South Street
brutal et sensuel. Ancien reporter criminel à ses débuts, Fuller
connaît comme sa poche les us et coutume de ce petit monde de la pègre
ordinaire et n'aura de cesse dans ses meilleurs polars d'extraire une
certaine humanité de cette fange et de montrer ces truands comme des
êtres plus complexes à résumer que leurs seuls mauvais penchants. On en
aura plus tard un bel exemple avec son mémorable
Underworld U.S.A.
(1961 où son impitoyable héros vengeur se montrera finalement plus
fragile et faillible que la tentaculaire et glaciale organisation
mafieuse.
On en a une première idée ici où nos héros tout hors-la-loi
qu'ils sont s'avèrent pourtant bien plus attachant dans le défaut que
l'impitoyable ennemi communiste. Depuis le 24 novembre 1947 et la
réunion du Waldorf-Astoria, les studios américains dont la Fox
s'engagèrent à ne plus employer de communistes et à sortir des
productions stigmatisant la menace rouge. Samuel Fuller s'y frottera
avec des films de guerre comme
J'ai vécu l'enfer de Corée (1951),
Baïonnette au canon (1951),
Le Démon des eaux troubles
(1954) où malgré le sous-texte il réussira toujours à mettre en avant
l'humain et ses peurs face au combat. C'est également le cas dans
Pickup on South Street
où face à un ennemi indéfinissable et menaçant tout comme les soldats
anonymes de ses films de guerre Fuller fait de ses laissés pour compte
des bas-fonds les vrais héros.
Le scénario montre d'abord les
personnages sous leur jour le plus douteux et brutal. Skip Mc Coy
(Richard Widmark) pickpocket multi récidiviste commet son dernier méfait
en plein métro en dérobant du sac à main de la belle Candy (Jean
Peters) un portefeuille contenant le microfilm d'une arme nucléaire.
Candy est sans le savoir la passeuse d'un réseau communiste et les
attitudes provocantes et l'assurance de Jean Peters nous laisse
facilement comprendre qu'un parcours cabossé l'a menée à cette
situation. Elle est finalement le pendant féminin parfait de Richard
Widmark, les deux étant présentés sous leurs plus mauvais jour en pures
créatures de la nuit : sensuelle et au passé probablement peu chaste
pour Candy et avide et arrogant pour Skip.
Leurs rencontres sont ainsi
violentes et torride en exploitant cette facette d'eux, Candy lascive et
séductrice pour soutirer le microfilm à Skip et ce dernier agressif et
brutal quand il sent venir la manipulation alors qu'il souhaite titrer
un maximum de son butin. L'humanité des personnages avec tous leur
défauts et passions nous apparaît avec le contrepoint des communistes,
anonymes si ce n'est l'inquiétant et angoissé Joey (Richard Kiley) et
n'existant que par leurs objectifs et leurs actions sanglantes.
Widmark
dans une performance nerveuse et outrée dont il a le secret est
absolument parfait en petite frappe se découvrant progressivement une
conscience et Jean Peters est aussi poignante que troublante en Candy
magnifiquement passionnée en femme fatale sacrificielle et amoureuse.
Fuller joue ainsi habilement des deux tableaux avec un anticommunisme
jouant à plein dans l'intrigue mais qui n'est prétexte servant de
révélateur aux héros.
La preuve en est la fameuse VF faisant disparaître
la trame anti-communiste (la France étant un pays votant alors
massivement pour le Parti) pour remplacer le contenu du microfilm par la
formule d'une nouvelle drogue et si ce n'est les réactions un peu trop
outrées pour un tel enjeu, l'ensemble fonctionne malgré ce changement
car c'est avant tout le cheminement de ses petites frappes qui importe à
Fuller.
On pourra ainsi voler, se vendre ou dénoncer l'autre en suivant
les codes du milieu connus et admis mais ne jamais les abandonner aux
mains des vrais monstres que sont ici les communistes. Le superbe
personnage de Thelma Ritter et sa fin cruelle l'illustre de la plus
belle façon et amorce ainsi la rédemption de Skip et Candy. Un voyage au
bout de la nuit où les coups pleuvent, les morts s'amoncèlent et les
courses poursuites s'enchaînent dans une urbanité saisissante (alors
qu'on devine plus d'une fois les nombreux passages tournés en studio) et
le tout sur un rythme trépidant, le film étant d'une densité narrative
rare sur 80 minutes. Un grand polar.
Sorti en dvd zone français chez Carlotta
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