Le jeune Bart prend des leçons de piano
avec le Dr Terwilliker, un professeur sans pitié qui lui impose des
gammes, encore des gammes, toujours des gammes. Bart, épuisé, s’endort
et se rêve dans une cité fantasmagorique, magnifique et inquiétante, sur
laquelle règne l’effrayant Dr. T qui prépare un grand concert joué par
cinq cents enfants retenus prisonniers. Bart décide de déjouer les plans
du tyran et de libérer ses camarades.
Un des films pour enfant les plus étranges jamais réalisés, où la féérie du Magicien D'Oz et le surréalisme d'Alice au Pays des merveilles
côtoie une touche plus inquiétante et subversive. Cette touche unique
est en grande partie dû au Dr Seuss qui ici au scénario introduit son
univers bariolé et ses thématiques anticonformistes tel que la méfiance
et la rébellion contre le monde des adultes. Le point de départ est le
calvaire de bien des petits garçons contraint de prendre des leçons de
piano alors qu'il ne rêve que de s'amuser au grand air, ici avec le
jeune Bart (Tommy Rettig) soumis à la pression de son tyrannique
professeur le Dr Terwilliker (Hans Conried) et de sa mère (Mary Healy)
l'obligeant à refaire ses gammes en vue d'une future représentation.
Son
seul soutien est le sympathique plombier August Zabladowski (Peter Lind
Hayes), celui-ci représentant le père idéal à l'opposé de Terwilliker,
une des peurs sous-jacentes du film étant cette absence de figure
paternelle où Bart imagine sa mère sous la coupe du redoutable
professeur de piano. Lorsque tous ses éléments se mêlent à l'imagination
fertile du garçon, tout cela se trouve exacerbé dans ses rêves
fantasmagoriques où dans une cité imaginaire le Dr T a des projets plus
grandiloquents et malfaisants encore à savoir soumettre les enfants du
monde entier au culte de son instrument.
Dès lors on plonge dans
un monde coloré mais également très inquiétant où les peurs enfantines
côtoient des éléments bien plus adultes. Les couleurs tapageuses et les
décors gigantesques à l'architecture tortueuses suscitent autant
l'émerveillement que l'effroi, la mort étant une menace concrète avec
cette ville protégée par du fil barbelé électrifié.
On ne saura jamais
complètement si l'on est dans le rêve ou dans le cauchemar, les
séquences euphorisante (la course poursuite où Bart s'amuse de la
conception de la ville et défie les lois de la gravité) alternant avec
d'autres peu rassurantes pour le jeune public tel cette visite des
cachots où sont emprisonnés les malheureux musiciens jouant d'autres
instruments que le piano et qui offriront une chorégraphie aussi belle
qu'inquiétante (et où on se dira qu'en plus des influences pour le monde
du cinéma on pourrait ajouter un Michael Jackson forcément fasciné par
le monde du Dr Seuss).
Le Dr T résume parfaitement cette dualité du film
avec le jeu outrancier et grotesque de Hans Conried trouvant le ton
idéal entre démesure cartoonesque et une folie douce plus trouble. Les
chansons s'ornent également d'un tour baroque et non sensique à la Lewis
Carroll sous la plume du Dr Seuss auteur de tous les textes (sur des
musiques de Frederick Hollander) où la furie (la chanson de l'ascenseur
où chaque couplet dépeint en détail les tortures en cours à chaque
étage) peut laisser place à une bouleversante candeur lorsque Bart
entonne un magnifique titre sur son dépit de garçonnet chétif soumis à
la tyrannie des adultes.
Si cette opposition enfant/adulte
captivera les plus jeunes, les adultes s'étonneront du sous-texte où en
souhaitant soumettre tous les enfants à son instrument/idéologie le Dr T
incarne symboliquement une forme de dictature évoquant le nazisme ou vu
la décennie où l'on se trouve le communisme. Malgré tous ces détours
plus complexes, la bouille avenante de Bart, les astuces délirantes
(l'aspirateur de son et sa fabrication "autre") et les péripéties
outrancière ne nous font jamais oublier que tous cela est prétexte de
farce et d'évasion à l'image du génial final cacophonique. Un vrai film
culte où sont venus piocher bien des talents, du Terry Gilliam de Bandits, Bandits (1982) au Tim Burton de Charlie et la Chocolaterie (2005).
Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side
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Miracle ! C'est sorti avec sous-titres français ??? Youpie ! Depuis le temps que je rêvais de revoir ce film et de le faire enfin découvrir à ma famille... Je l'avais vu dans les années 80 dans une salle d'Art et Essai parisienne et désespérais de le revoir un jour... Je garde un souvenir émerveillé et admiratif de cet univers onirique entre Helzappopin et Lewis Carroll.
RépondreSupprimerMerci d'avoir parlé de ce film totalement génial, poétique, loufoque et si profond sur ce blog (toujours aussi passionnant....)
Hello Emma ! Et oui c'est disponible depuis peu Wild Side l'a réédité en décembre. Ca a dû faire son petit effet toute ces couleurs et décors étranges sur grand écran. D'ailleurs à propos de Lewis Caroll je ne vous avais pas remercié d'avoir évoqué "Dreamchild" en commentaire ce fut une de mes très belles découvertes de l'an passé j'en avais parlé là sur le blog http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2013/05/dreamchild-gavin-millar-1985.html
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