Pages

lundi 13 avril 2020

La Fin du jour - Julien Duvivier (1938)


L'abbaye de Saint-Jean-la-Rivière menace de fermer ses portes. Ce qui serait une véritable catastrophe pour ses pensionnaires, tous de vieux comédiens sans ressource. Saint-Clair, acteur autrefois adulé et grand séducteur de femmes, vient justement d'y arriver et y retrouve Marny, grand rival dont il avait jadis séduit la femme.

La Fin du jour est un projet voulu comme plus personnel et typiquement français après la furtive expérience américaine qui l’a vu réaliser Toute la ville danse (1938)  pour la MGM. Les circonstances l’y feront retourner plus tôt qu’il ne pense mais en attendant il signe donc le script de La Fin du jour avec Charles Spaak, envisagé avant l’échappée américaine. Ils s’inspirent du vrai hospice pour comédien de Pont-aux-Dames pour ce qui sera un portrait à la fois tendre et cru du comédien, dont les travers s’avèrent aussi exacerbé que touchant ou pathétique dans ce déclin de la vieillesse.

Les têtes d’affiches sont supposées être trois monstres sacrés avec Raimu, Louis Jouvet et Michel Simon. Le premier se désistera à quelques semaines du tournage pour être remplacé par Victor Francen. Chacun d’eux représentera une facette différentes du comédien de théâtre : le séducteur ayant connu les feux de la rampe avec Sain-Clair (Louis Jouvet), le talent reconnu mais qui à l’inverse n’a jamais connu le succès et s’en désole (pour Marny (Victor Francen) et le cabot rigolard mais cachant dissimulant des fêlures plus profondes à travers Cabrissade (Michel Simon). Derrière ces mastodontes on trouve toute une joyeuse communauté composée d’ailleurs de vrai comédiens vieillissant qui ont vécus et vivent encore les expériences de leur personnages. 

Le déclin des protagonistes se ressent à divers degrés. Dès les premières minutes le contexte d’exercice du métier avec cette scène provinciale qu’on devine clairsemée, le désintérêt des techniciens plus pressés d’avoir leur train que de suivre la prestation de Saint-Clair, et même l’artifice de la jeunesse fanée de celui-ci (le costume et les postiches qu’il enlève et révèle son visage vieillissant) témoigne de la déchéance du théâtre et donc de ses acteurs (l’évocation du cinéma voisin qui fait recette). Chaque membre du trio se délecte ou se morfond donc dans ce qu’a été sa vie de comédien, que ce soit le viveur Saint-Clair, le torturé et amer Marny (auquel s’ajoute le deuil de sa femme qui s’ajoute à son « emploi ») ou la gouaille de Cabrissade, avec comme fil rouge pour tous un indéniable égoïsme. 

C’est un prétexte à un beau numéro d’acteur et à nombres de situations truculentes mais, en toile de fond se dessine témoigne aussi d’une disparition non seulement aux yeux du public mais de la société avec la fermeture imminente de l’hospice. Sans scène où briller, sans regard pour les admirer, tous ne sont plus que des vieillards qui s’agitent en vain. La beauté et la tendresse vient alors des petites mains continuant à s’aimer malgré cet oubli, comme ce couple au crépuscule de l’âge qui décide de se marier pour être transférer dans le même hospice. Duvivier semble poser un regard bienveillant, notamment à travers un rebondissement qui résout la problématique de l’hospice menacé. La noirceur du réalisateur agit donc sur l’humain en tirant les excentricités amusées des personnages vers une folie qui leur sera fatale. La conclusion douce-amère est typique du réalisateur, tout en atténuant pas l’amour sincère des comédiens qu’il révèle tout au long de ce film qui était son œuvre favorite (avec Poil de carotte (1931) au sein de sa filmographie. 

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Pathé

2 commentaires:

  1. Un trés grand Duvivier ! Heureux qu'il soit enfin apprécié à sa juste valeur et redécouvert, ce n'était pas le cas dans les années 80.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est clair qu'il était très méconnu, avant la belle réédition vidéo récente je n'en avait même jamais entendu parler.

      Supprimer