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jeudi 23 avril 2020

Love and Mercy - Bill Pohlad (2014)


Derrière les mélodies irrésistibles des Beach Boys, il y a Brian Wilson, qu’une enfance compliquée a rendu schizophrène. Paul Dano ressuscite son génie musical, John Cusack ses années noires, et l’histoire d’amour qui le sauvera.

Love and Mercy est un biopic plutôt réussi qui se penche sur le destin de Brian Wilson, compositeur de génie des Beach Boys. L’intérêt du film est de se départir d’une structure linéaire et chronologique de la vie de Brian Wilson comme dans le standard établis pas nombres de biopics musicaux récents à succès (Ray de Taylor Hackford (2003), Walk the line de James Mangold (2005)). Le scénario est en effet coécrit par  Oren Moverman, à l’œuvre sur le I’m not there de Todd Haynes. Ce dernier avait la particularité de faire jouer Bob Dylan par plusieurs acteurs (et même actrice), jonglant entre les époques de la vie de l’artiste afin d’en traduire une dimension différente. Love and Mercy reprend l’idée en plus épuré avec un Paul Dano incarnant Wilson jeune dans les années 60/70, et John Cusack au mitan des années 80.

Le passé va de l’apogée créative de Wilson à sa déchéance tandis que le présent le montre au fond du trou avec de retrouver la lumière grâce à l’amour de Melinda Ledbetter (Elizabeth Banks). L’interprétation et le travail formel pour différencier les deux époques fonctionnent par contraste. Toute la flamboyance et l’imagerie pop romantique des sixties se déploient ainsi avant d’être déformé par les névroses, la famille toxique et les substances illicites pour Wilson alors que l’imagerie neutre et dépressive du présent retrouve peu à peu une certaine grâce. Le tout est parfois surligné par une psychologie à gros trait puisque les deux oppresseurs de Wilson (le père violent et le Docteur Landy qui exploite et séquestre le musicien en le bourrant de médicaments) portent le visage de l’acteur Paul Giamatti avec sa lourdeur coutumière.

Si le dispositif est bien en place et rend la narration dynamique et limpide, il manque la petite étincelle de génie à la mise en scène de Bill Pohlad qui reste trop scolaire dans l’ensemble. Il y a cependant une exception, et de taille, où le réalisateur se montre plus inspiré. La séquence d’enregistrement du mythique album Pet Sound est absolument brillante, vraie démonstration d’un génie au travail et en pleine possession de ses moyens. Les amateurs de Pet Sounds se délectent des détails de production les plus fous (les vrais chiens finement dirigés pour un aboiement en studio), de la création du moindre gimmick sonore des innombrables morceaux cultes. L’harmonie musicale et spirituelle de Wilson avec les musiciens de studios subjugués par sa créativité passe avec brio par l’image, avant que tout ne se dérègle paradoxalement par la norme que lui imposent le groupe et sa famille aux impératifs plus commerciaux. Dès lors Wilson se réfugie pour le pire dans les paradis artificiels, croyant y trouver l’inspiration alors qu’ils ne sont qu’une échappatoire à son mal-être. Paul Dano est excellent, le visage poupin à la fois illuminé et hanté.

John Cusack ne démérite pas dans une interprétation plus éteinte et touchante mais la partie contemporaine est clairement plus convenue. Il y a nettement moins d’idées visuelles pour traduire l’emprise terrible du Docteur Landy, le jeu balourd et la moumoute de Paul Giamatti n’aidant pas. Reste malgré un biopic prenant et bien ficelé. 

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez ARP 

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