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mercredi 24 juin 2020

Le Retour du proscrit - The Shepherd of the Hills, Henry Hathaway (1941)

Dans les Monts Ozark, Jim Lane est blessé par la police alors qu'il surveillait la distillerie clandestine de la famille Matthews. Il est soigné par un mystérieux étranger, Daniel Howitt (surnommé « Le Berger des collines »), qui souhaite s'installer dans la région. Sammy, la fille de Jim, lui conseille d'acquérir la ferme abandonnée des Matthews. Matt le jeune, dont est amoureux Sammy, en est l'héritier et attend le retour de son père, Matt l'ancien, pour venger la mort de sa mère, abandonnée malade avec son enfant, des années plus tôt.

The Shepherd of the Hills est une œuvre se situant entre le western et le drame rural, et qui pour Henry Hathaway est vraiment dans la continuité formelle et thématique de son excellent La Fille du bis maudit (1937). Le film est la troisième des quatre adaptions du roman éponyme de Harold Bell Wright, après les deux muettes de 1919 (celle-ci réalisée par l'auteur lui-même) et 1928, et avant celle plus tardive de 1964. Le film nous plonge dans une communauté montagnarde et rurale où la famille Matthews vit en paria. Trafiquants d'alcool de contrebande, les Matthews s'isolent de leurs congénères, persuadés d'être victimes d'une malédiction. C'est particulièrement le vrai pour Matt (John Wayne) hanté par la mort de sa mère disparue dans l'attente vaine d'un père parti durant son enfance. La malédiction tient à ce père absent et, élevé dans la haine par sa tante Mollie (Beulah Bondi), Matt se jure de le tuer s'il venait à croiser sa route. L'amour qu'il ressent pour Sammy (Betty Field) et l'arrivée d'un étranger bienveillant et mystérieux (Harry Carey) vont peut-être le dévier de cette destinée violente.

C'est le premier film en couleur d'un John Wayne qui a gagné ses galons de star depuis peu avec La Chevauchée fantastique de John Ford (1939). Il n'est pas encore cette statue du commandeur qui est John Wayne et dont le rôle doit se plier à sa personnalité (même si avec d'infinie nuances et variations bien sûr) et sa prestation est en tout point surprenante ici. Il incarne un être vulnérable et torturé, un homme-enfant qui maintient avec entêtement les haines entretenue pas une jeunesse meurtrie. La dualité entre sa bonté naturelle et la violence qu'invoquent ses démons (bien entretenue pas sa famille dégénérée) amène l'acteur à se montrer fragile comme rarement, sa force et son charisme s'exprimant réellement quand il est apaisée, lorsqu'il se contient.

C'est une forme de passage de témoin que de voir Harry Carey (le secret est vite éventé) jouer son père, on sent Henry Hathaway conscient de cela dans chaque séquence où il les filme ensemble. Dans l'intrigue la filiation et surtout la destinée tragique passée et potentielle (Harry Carey ayant laissé sa famille car il avait tué un homme et était en prison) constitue l'écho entre les deux personnages, et de manière symbolique le mythe du western à son crépuscule Harry Carey (immense star western de l'ère muette) laisse la place à celui en devenir avec John Wayne. La sensualité sauvage et la candeur de Betty Fields (qui rappelle la Sylvia Sydney de La Fille du bois maudit) parvient cependant à s'imposer entre les deux icônes, caution morale et amoureuse pour Matt et possibilité pour Carey d'incarner une figure paternelle présente.

Formellement Hathaway se plie au point de vue de ses personnages, avec des décors jouant de la pénombre inquiétante dans les clairières isolées pour appuyer les tourments et superstitions de chacun. La bienveillance de Harry Carey semble comme libérer les rancœurs et décloisonner l'environnement sauvage où se déploie un technicolor tout en nuances pastel et textures éthérées dans la photographie de Charles Lang. Les compositions lors des plans d'ensemble sont de somptueux tableaux en mouvement, traduisant par la seule image l'emphase et le questionnement intime des protagonistes, notamment le duel final.

Le film n'égale cependant pas la réussite de La Fille du bois maudit, la faute à un remontage du studio (le premier montage de deux heures étaient d'après les témoignages splendide) qui perd certains personnages de vue ou du moins expédie leur cheminement (Beulah Bondi réduite à une mégère vociférante, son passif n'existant que par les dialogues des autres). On devine plus où moins qu'il manque des éléments qui empêche l'intrigue d'être plus fluide. Bien dommage car le potentiel était là pour figurer dans les sommets d'Hathaway mais en l'état cela reste un très joli film.

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Sidonis mais sous un nouveau titre "Prisonnier de la haine"

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