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vendredi 19 juin 2020

Qui donc a vu ma belle ? - Has Anybody Seen My Gal ?, Douglas Sirk (1952)

Fin des années 1920. Sam Fulton, milliardaire sans héritier, loue une chambre chez les Blaisdell, la famille de l'unique femme qu'il ait aimée et qui, cependant, a refusé de l'épouser. Il projette de leur léguer sa fortune mais, il veut préalablement les mettre à l'épreuve, en leur transmettant par le biais d'un notaire et de façon anonyme 100 000 dollars.

Qui donc a vu ma belle ? est une comédie réalisée back to back par Douglas Sirk avec No room for the groom (1952), les deux films sortant à une semaine d'écart en juin 1952. Ces deux films (scénarisés par Joseph Hoffman) permettent de constater que dans ce registre de la comédie, Sirk se montrait déjà avant ses grands mélodrames un fin observateur et critique d'une certaine idéologie américaine. No room for the groom était ainsi un vive critique de la réussite sociale au dépend de l'intime à l'échelle d'un couple modeste, et Qui donc a vu ma belle ? aborde les même questions à travers une famille américaine traditionnelle.

Il montre la trajectoire inversée entre le bougon milliardaire Sam Fulton (Charles Coburn) souffreteux et alité dans son isolement de nanti, et la famille Blaisdell dont il va se faire le bienfaiteur secret en observant leur attitude face à leur nouvelle fortune. Fulton s'épanouit à fréquenter les "vrai" gens, à goutter de nouveau aux vertus du travail et retrouve une facétie toute enfantine au contact de la petite Roberta (Gigi Perreau à croquer). Tout concourt à dépeindre la famille idéal même si en toile de fond se devine le snobisme de la mère (Lynn Bari) poussant sa fille Millicent (Piper Laurie) dans les bras du meilleur parti de la ville plutôt que le modeste serveur Dan (Rock Hudson), celui qu'elle aime réellement.

Sirk réduit cependant à ce seul personnage l'aveuglement et l'égoïsme de la réussite sociale quand il était bien plus contagieux dans No room for the groom (mais toujours venant de la mère très intrusive quant à la réussite de sa fille). Cela permet une savoureuse satire de la bourgeoisie provinciale américaine (au coeur de Tout ce que le ciel permet (1955) sur un mode plus grave), un cercle hypocrite auquel accèdent les Blaisdell mais où se maintenir ne tient qu'à un fil, celui du dernier relevé bancaire. On s'amuse de la vertu hypocrite de ces hautes sphères qui imaginent le pire quant aux mœurs des autres (les accusations sur les relations entre Fulton et Millicent), tandis que Sirk filme avec malice les vices des plus vieux (le bourgeois mimant la supposée conduite indécente de Millicent) ainsi que des jeunes avec ce prétendant pédant fréquentant les bars clandestins.

Le cadre des années 20 donne d'ailleurs une patine sacrément chatoyante à l'ensemble, que ce soit les couleurs tapageuses de la photo de Clifford Stine, l'ambiance festive faite de numéros de danses endiablés (qui justifie le temps d'une scène le titre du film sans grand rapport avec l'intrigue) et l'allure sexy de ses jeunes filles des années vingt. Charles Coburn comme souvent est excellent, source de fou rire lors du running gag bien senti où il multiplie les arrestations et séjours en prison. C'est la première collaboration de Sirk avec Rock Hudson déjà ici parfait d'allant et de charme brut, des qualités qui ne cesseront de s'affiner dans leurs films suivants en commun. Une sympathique réussite donc même si la morale facile (l'argent fait le malheur) et le revirement de la mère sont un peu expédié - No room for the groom est cependant plus marquant.

Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant Films 

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