Fin des années 1920. Sam Fulton, milliardaire
sans héritier, loue une chambre chez les Blaisdell, la famille de
l'unique femme qu'il ait aimée et qui, cependant, a refusé de l'épouser.
Il projette de leur léguer sa fortune mais, il veut préalablement les
mettre à l'épreuve, en leur transmettant par le biais d'un notaire et de
façon anonyme 100 000 dollars.
Qui donc a vu ma belle ? est une comédie réalisée back to back par Douglas Sirk avec No room for the groom
(1952), les deux films sortant à une semaine d'écart en juin 1952. Ces
deux films (scénarisés par Joseph Hoffman) permettent de constater que
dans ce registre de la comédie, Sirk se montrait déjà avant ses grands
mélodrames un fin observateur et critique d'une certaine idéologie
américaine. No room for the groom était ainsi un vive critique de la réussite sociale au dépend de l'intime à l'échelle d'un couple modeste, et Qui donc a vu ma belle ?
aborde les même questions à travers une famille américaine
traditionnelle.
Il montre la trajectoire inversée entre le bougon
milliardaire Sam Fulton (Charles Coburn) souffreteux et alité dans son
isolement de nanti, et la famille Blaisdell dont il va se faire le
bienfaiteur secret en observant leur attitude face à leur nouvelle
fortune. Fulton s'épanouit à fréquenter les "vrai" gens, à goutter de
nouveau aux vertus du travail et retrouve une facétie toute enfantine au
contact de la petite Roberta (Gigi Perreau à croquer). Tout concourt à
dépeindre la famille idéal même si en toile de fond se devine le
snobisme de la mère (Lynn Bari) poussant sa fille Millicent (Piper
Laurie) dans les bras du meilleur parti de la ville plutôt que le
modeste serveur Dan (Rock Hudson), celui qu'elle aime réellement.
Sirk
réduit cependant à ce seul personnage l'aveuglement et l'égoïsme de la
réussite sociale quand il était bien plus contagieux dans No room for the groom
(mais toujours venant de la mère très intrusive quant à la réussite de
sa fille). Cela permet une savoureuse satire de la bourgeoisie
provinciale américaine (au coeur de Tout ce que le ciel permet (1955) sur un mode plus grave), un cercle hypocrite auquel accèdent les
Blaisdell mais où se maintenir ne tient qu'à un fil, celui du dernier
relevé bancaire. On s'amuse de la vertu hypocrite de ces hautes sphères
qui imaginent le pire quant aux mœurs des autres (les accusations sur
les relations entre Fulton et Millicent), tandis que Sirk filme avec
malice les vices des plus vieux (le bourgeois mimant la supposée
conduite indécente de Millicent) ainsi que des jeunes avec ce prétendant
pédant fréquentant les bars clandestins.
Le cadre des années 20 donne
d'ailleurs une patine sacrément chatoyante à l'ensemble, que ce soit les
couleurs tapageuses de la photo de Clifford Stine, l'ambiance festive
faite de numéros de danses endiablés (qui justifie le temps d'une scène
le titre du film sans grand rapport avec l'intrigue) et l'allure sexy de
ses jeunes filles des années vingt. Charles Coburn comme souvent est
excellent, source de fou rire lors du running gag bien senti où il
multiplie les arrestations et séjours en prison. C'est la première
collaboration de Sirk avec Rock Hudson déjà ici parfait d'allant et de
charme brut, des qualités qui ne cesseront de s'affiner dans leurs films
suivants en commun. Une sympathique réussite donc même si la morale
facile (l'argent fait le malheur) et le revirement de la mère sont un
peu expédié - No room for the groom est cependant plus marquant.
Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant Films
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