La Blonde ou la Rousse - Pal Joey, George Sidney (1957)
L'histoire d'un chanteur de night-club (Frank
Sinatra) hésitant entre deux femmes. L'une est belle, jeune et plutôt
sage (la blonde Kim Novak), l'autre est richissime, délurée, mais
incarne la sécurité (la rousse Rita Hayworth).
La Blonde ou la Rousse est une superbe comédie musicale qui confirme l'ascension de Frank Sinatra au cinéma dans la continuité du succès de Tant qu'il y aura des hommes (1953). Le film adapte un musical
de John O'Hara, Lorenz Hart et Richard Rodgers joué à Broadway en 1940
et o un jeune Gene Kelly jouait le rôle repris par un Sinatra plus mûr.
Le scénario s'adapte à son interprète en jouant du côté mauvais garçon
attachant et séducteur de Sinatra et ce dès la truculente scène
d'ouverture où Joey Evans il est expulsé d'une ville après avoir essayé
de séduire la fille mineure du maire. Cette réputation sulfureuse le
précède dans sa profession de chanteur de nightclub et, échoué à San
Francisco, sa gouaille lui permet d'être embauché dans un établissement
miteux.
Son charisme et sa répartie vont lui permettre de se mettre toutes
danseuses du club dans la poche, à l'exception de la sage Linda (Kim
Novak) qui bien qu'attirée préfère garder ses distances. Tous les
"trucs" habituels du coureur Joey tombent à plat face à Linda, quand ils
titillent la richissime Vera (Rita Hayworth). Linda est insensible à sa
part flamboyante, quand c'est ce qui séduit Vera. Joey conscient de ce
qu'il est ne franchit jamais complètement le pas avec Linda dont
l'innocence pourrait tirer le meilleur de lui. A l'inverse il ne ressent
aucune gêne face à Vera, ancienne stripteaseuse qui s'est élevé
socialement et qui est de la même trempe que lui (et conquise après
qu'il lui ait entonné le fort irrespectueux "The Lady Is a Tramp").
Linda représente un saut dans l'inconnu intime, Vera un plaisant
arrangement qui pourrait lui permettre d'ouvrir son propre club. George
Sidney joue parfaitement de cette dualité à plusieurs niveaux. Le plus
évident est bien sûr la blondeur immaculée, le teint pâle et la présence
discrète de Kim Novak qui s'oppose à la rousseur tapageuse, la
sophistication et l'allure assurée de Rita Hayworth.
Sidney poursuit ce
parallèle avec deux scènes où Joey entraîne tour à tour Linda et Vera
dans des performances scéniques improvisées. Linda est gauche, guidée
par Joey qu'elle ne peut s'empêcher de dévorer des yeux quand Vera a
l'expérience, l'assurance et le magnétisme pour capter l'attention du
public (et le numéro "Zip" constitue un savant clin d'œil à une fameuse
scène de Gilda (1941)) tout en masquant
savamment son attirance. Enfin les tenues vestimentaires complètent
cette opposition avec les robes longues aux couleurs sobre qui épousent
la silhouette élancée de Kim Novak, dont la sensualité est "forcée" par
les numéros de danse ou l'ivresse alors que sa timidité naturelle la
masque. Rita Hayworth choisit des couleurs plus agressives, où la
garde-robe s'orne de plusieurs couches et d'oripeaux comme la fourrure,
mais là dans une épate destiné à dissimuler plus consciemment ses
sentiments. Frank Sinatra en voguant de l'une à l'autre est aussi, tant
dans son attitude que ses tenues, le miroir de ce que lui renvoient ses
deux love-interest.
C'est le troisième film de Kim Novak avec George Sidney (après Tu seras un homme, mon fils (1956) et le superbe Un seul amour
(1957)) et, si de toute façon l'intrigue fait pencher le cœur du
spectateur du côté de son personnage, c'est aussi à la grâce de
l'inspiration et maîtrise du réalisateur pour la filmer. Les gros plans
furtifs qui capturent ses regards aimants à la dérobée sont magnifiques,
les attitudes vulnérables touchent même quand l'intention de la scène
est comique et les numéros musicaux la magnifie tel le somptueux My
Funny Valentine » - où l'illusion est parfaite, la chanteuse Trudy
Stevens qui double Kim Novak reproduit parfaite son timbre, bas, grave
et fort sexy. Rita Hayworth au vu de son personnage plus dans la
distance et le contrôle ne provoque pas le même attachement mais est
tout aussi convaincante. Les habiles changements par rapport à la
version scénique plus sombre (où Joey perd les deux femmes et repart
seul) tendent à en faire une très plaisante et enlevée romance, et un
des grands succès de George Sidney.
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