Jeanne Eagles ne reçoit pas le prix qu'elle espérait au concours de beauté, mais sa ténacité la fait remarquer par Sal Satori qui l'engage dans sa troupe. Très vite leur lien se transforme en amour. A New-York où se produit la troupe, elle convainc un professeur d'art dramatique, Mme Nielson, de son talent. Engagée pour un simple remplacement, elle connaît un succès étonnant.
Un seul amour est le
biopic de Jeanne Eagles, fameuse actrice de théâtre et du muet des années des années 10 et 20. Les aficionados de cette période ou de la carrière de l'actrice devront passer leur chemin s'ils sont en quête d'une évocation fidèle. Si les évènements majeurs sont relativement respectés (les débuts forains, l'accession au vedettariat grâce au rôle de Sadie dans
Pluie joué à Broadway, le bannissement des scènes par l'union des acteurs...), leurs chronologie est largement malmenées tandis que les noms de relations existantes se voient modifiés dans leur transposition au cinéma (Morris Dubinsky qui contribue à lancer Eagles et l'épousera devient ici Sartori, tout comme son époux ex footballeur Ted Coy devient Johnny Donahue).
L'intrigue est donc largement romancée et globalement la construction obéit largement aux conventions du
biopic : parcours courageux semé d'embûches vers le succès, triomphe puis excès et déchéance. Le film captive pourtant de bout en bout grâce à deux atouts de taille, la performance de Kim Novak en Jeanne Eagles et la mise en scène virtuose de George Sidney. Kim Novak incarne une figure fascinante qui n'existe que dans sa quête de devenir une vedette. Le script élimine tout élément lié à son passé qui pourrait lui donner de la substance et dès la scène d'ouverture c'est une toute jeune femme qui concours déjà pour un prix de beauté.
Par la suite on découvrira progressivement que tous ses actes, toutes les relations noués, même les plus tendre, étaient toujours liées à cette ambition sans borne. Jeanne Eagles ne nous paraît pas antipathique pour autant par la grâce de cette fragilité que sait si bien dégager Kim Novak et l'on est plutôt admiratif de cette abnégation tandis que l'histoire d'amour vache avec Satori (Jeff Chandler) s'avère très attachante.
Kim Novak qu'on retient souvent pour ces personnages doux et évanescent dévoile une détermination et une énergie (la scène d'audition avec Agnes Moorehead, lorsqu'elle rabroue des mondains en soirée huppée) surprenante ainsi qu'une sensualité juvénile pleine de fougue (la longue séquence de danse, arrestation et procès, le bain de minuit avec Satori...).
Tous ces aspects sont repris sous un pendant nettement plus sombre lorsqu'on passera de l'ascension au succès. La volonté de réussir devient du pur opportunisme cruel lorsque Jeanne s'approprie la pièce
Pluie au détriment d'une autre actrice qu'elle poussera au suicide. Arrivé au sommet, un être qui n'a vécu que pour cette quête ne peut que se brûler les ailes. Toutes les qualités de Jeanne deviennent alors des tares terribles, la séduction vire à la provocation et à la décadence lors de passages où Kim Novak s'abandonne totalement en pantin désarticulé abrutie par les drogues et l'alcool.
L'actrice module sa voix de manière intéressante pour exprimer cette bascule, prenant un timbre plus grave et quasi schizophrène lorsqu'elle se mue peu à peu en vedette capricieuse (amorcé dès le début lorsqu'elle interpelle Satori pour qu'il l'embauche) quand elle ne s'exprimait qu'avec modestie au départ. George Sidney saisit ses errements avec la virtuosité qu'on lui connaît.
Plus Jeanne cède à ses démons plus la mise en scène se focalise sur elle pour montrer son isolement et sa raisons vacillante avec cette caméra aux mouvements incertains lors du pathétique et éthylique nouvel an ou encore la cauchemardesque scène où droguée elle oublie son texte sur scène, des zooms intempestifs semblant nous
oppresser
de toute part. Kim Novak s'abandonne à un jeu outrancier que Sidney renforce par la sophistication des éclairages sur le visage de l'actrice et exacerbant ainsi toutes les mines expressives de son visage de plus en plus fardés et monstrueux.
Du coup malgré la superbe reconstitution (le Broadway des années 20, les scènes de tournages de muet) et les belles performances d'Agnes Moorehead et Jeff Chandler notre regard est littéralement happé par cette Kim Novak torturée et possédée en Jeanne Eagles dont les souffrances ne peuvent s'achever que de la plus radicale des manières. La mort de Jeanne est une séquence phénoménale où Sidney atteint des sommets de noirceur, tout à la fois cauchemar et forme de libération.
Le film s'achève judicieusement sur une Jeanne Eagles figée à jamais dans ce qu'elle avait à offrir de meilleur, son jeu (et apparemment sur son rôle qui lui vaudra une nomination posthume à l'Oscar
The Letter). Une des plus grandes prestations de Kim Novak qui en annonce une tout aussi déroutante dix ans plus tard dans
Le Démons des Femmes de Robert Aldrich à nouveau en actrice autodestructrice.
Sorti en dvd zone 1 dans un coffret édité par Sony consacré à Kim Novak et doté de sous-titre français.
Extrait
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