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mardi 1 juin 2021

The Boys Next Door - Penelope Spheeris (1985)


 Roy Alston et Bo Richards, deux marginaux du lycée promis à un avenir morne, quittent leur petite ville après la cérémonie de remise des diplômes pour faire une virée à Los Angeles. Sur la route, les deux jeunes gens vont être entraînés dans une spirale de violence.

Surtout connue pour sa comédie culte Wayne’s World (1992), on en oublie les débuts underground de la réalisatrice Penelope Spheeris où elle s’intéressa fortement à une certaine jeunesse à la marge. Cela pu être sous l’angle culturel avec The Decline of Western Civilization (1981) qui s’intéressait à la scène punk de Los Angeles (et ses deux suites éponymes de 1988 et 1998 sur les scènes heavy metal puis de nouveau punk de la ville) ou alors mariant le récit social dans Suburbia (1984). Avec Suburbia elle apprend d’ailleurs à marier ses thématiques avec les attentes du cinéma d’exploitation, approche magistralement confirmée avec The Boys Next Door. Ces éléments permettent d’ailleurs d’aborder sous un autre angle le futur Wayne’s World qui n’était finalement qu’une approche plus potache et accessible de l’observation de la jeunesse white-trash américaine qui court dans l’ensemble de cette première partie de carrière. 

Quand l’échappée à la médiocrité et la promesse d’une vie aussi morne que celle de leurs parents peut se faire par la musique pour la jeunesse blanche désœuvrée de The Decline of Western Civilization (1981) ou Wayne’s World, cette petite flamme n’existe même pas pour Roy (Maxwell Caulfield) et Bo (Charlie Sheen). Penelope Spheeris les place d’emblée à la marge de leur camarade lycéen dans le dispositif de certaines scènes. C’est une marge où ils se placent d’eux même lorsqu’ils observent de loin les effets de leur mauvaise blague à l’entrée du lycée lors d’une des premières scènes, celle où les repoussent les adultes avec ce discours bienveillant d’un professeur espérant de grandes choses des élèves en poursuivant leurs études à l’université, soit un avenir qui ne concerne pas notre duo promis à l’usine la semaine suivant la remise de diplôme. 

On peut y ajouter un mépris et une condescendance de leur camarade qui les voit comme des pestiférés, même pas invités à la dernière fête entre élèves. On comprend implicitement que Bo et Roy tout médiocres qu’ils soient n’ont jamais été encouragés à s’améliorer, le déterminisme social agissant tant dans l’environnement scolaire que familial. Ce n’est jamais appuyé, il suffit d’entrevoir des moments qui laissent deviner des parents absents pour Bo ou démissionnaire concernant Roy pour le comprendre, et le plan d’ensemble où l’on quitte la demeure de Roy pour laisser voir un parc de mobile-home en dit plus que les mots.

Se sachant déjà « condamnés », Bo et Roy décide de s’offrir une virée à Los Angeles avant leur entrée à l’usine. La Cité des Anges va être le cadre d’une catharsis de violence et de frustration trop longtemps contenus. Le glaçant générique d’ouverture explique comment justement un environnement médiocre et dénué d’amour peut contribuer à construire de véritables sociopathes aux instinct meurtriers refoulés. Les deux « héros » sont caractérisés de façon complémentaires avec le véritable fauve bodybuildé qu’est Roy prêt à déchaîner sa rage, et le tout aussi dangereux Bo insouciant face au pire. C’est en quelque sorte un mariage toxique entre la rage et l’irresponsabilité qui va causer un véritable carnage le temps d’une journée sanglante à Los Angeles. Chaque victime va subir une violence arbitraire et représenter également une marge contre laquelle va se déchaîner le duo.

Un malheureux pompiste irakien, un gay, une hippie ou la bourgeoisie amoureuse de Beverly Hills, tous représentent le melting-pot de la ville dans laquelle Bo et Roy ne peuvent ou craignent de s’insérer. Cela ne tient pas uniquement à nos « héros » qui ne sont que la manifestation monstrueuse d’un climat ambiant au sein d’une frange réactionnaire de la ville (et par extension des Etats-Unis). Ainsi un vieillard wasp dépeint les agresseurs comme « un noir et un mexicain » à la police après le premier écart de Bo et Roy, plus tard un policier tiendra des propos d’une homophobie crasse sur une scène de crime tandis qu’un autre assènera son dégout face aux tenues provocantes de la communauté punk. 

La violence est donc supposée combler la frustration sexuelle pour Bo, ou encore un désir coupable chez Roy dont les élans de fureurs viennent éteindre des situations troubles trahissant ses penchants à travers son attirance (la séquence dans la boite gay et ce qui s’ensuit) et sa jalousie (la brutalité qu’il exerce sur les femmes que désire Bo). Penelope Spheeris capture à merveille l’atmosphère de cette LA du milieu des 80’s, à la fois dans les atmosphères nocturnes suspendues ou dans l’urgence, le grouillement et l’énergie des différents espaces, quartiers qu’arpentent les communautés de la ville. La réalisatrice oppose d’ailleurs la stylisation des environnements (éclairages bariolés, figurants à l’allure extravagantes) avec l’approche heurtée et la brutalité sèche de la violence qui expose crument la férocité des méfaits. 

Il est amusant de souligner que le titre français à la sortie du film était De sang-froid, comme un parallèle au roman de Truman Capote et au film de Richard Brooks avec une même souffrance et frustration du rêve américain qui conduit à la folie meurtrière inconsciente. Les deux acteurs sont excellents et puisent largement en eux pour exprimer une telle tension dans leur prestation. Maxwell Caulfield promis à une belle carrière de jeune premier chez Paramount fut déclassé après l’énorme bide de Grease 2 (1982) et laisse transparaître toute la rage et le dépit de sa situation dans son interprétation. Enfin le grain de folie que confirmera la vie privée plus que dissolue de Charlie Sheen transparaît également dans l’inconscience enfantine de son personnage. Un vrai film culte à redécouvrir en tout cas. 

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Carlotta

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