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mardi 10 mai 2022

Malevil - Christian de Chalonge (1981)


 La fin de l'été dans un petit village, une journée en apparence comme les autres et pourtant... Alors que le maire et quelques élus locaux se réunissent pour débattre d'un sujet administratif, cloitrés dans une profonde cave, une incroyable explosion se fait ressentir. Après avoir retrouvé leurs esprits, le petit groupe remonte à la surface et font face à un véritable désastre : d'origine nucléaire personne d'autre ne semble avoir survécu...

Malevil est une des rares, méconnues et réussies incursion du cinéma français dans la science-fiction et plus précisément dans le sous-genre du film post-apocalyptique. Il s’agit là d’une adaptation du roman éponyme de Robert Merle paru en 1972, mais dont le scénario de Christian de Chalonge et Pierre Dumayet s’éloigne beaucoup notamment sa conclusion. Robert Merle peu satisfait du résultat demandera d’ailleurs à voir son nom absent du générique qui ne comportera que la mention « librement adapté du roman Malevil ». 

L’une des grandes qualités du film est d’avoir une vraie identité française, ne singeant pas les avatars anglo-saxons du genre tout en étant un pur film post-apocalyptique. Le récit se restreint à une petite zone rurale que Christian de Chalonge s’applique, dans son esthétique comme la caractérisation de ses individus, à conférer une saveur locale avant la bascule. Les protagonistes se réunissent ainsi sur un débat administratif trivial entre élus locaux où quelques personnalités se dégagent et auront ensuite leurs importance, tels l’art du compromis du maire (Michel Serrault) ou l’individualisme du pharmacien. Une terrible catastrophe nucléaire vient brutalement interrompre cette quiétude et offre une séquence glaçante qui nous fait ressentir le fléau à une échelle intime. Sans effets spectaculaires, un vrai travail sur l’atmosphère et grâce à l’implication des acteurs, le moment est oppressant à souhait et laisse progressivement découvrir le chaos. 

L’hébétude et l’imagerie de fin du monde fonctionne formidablement, l’exposition montrant longuement le cadre paisible trouve son envers de désolation de façon frappante. Les décors de Max Douy et la photo de Jean Penzer sont assez impressionnants et le contraste avec ce groupe de modeste survivants franchouillard fonctionne à plein. La stupeur, la dépression face à l’extinction de toute chose imprègne l’esprit et la rétine avant que l’instinct de survie prenne le dessus. La narration prend son temps pour laisser les protagonistes reprendre leurs marques, instaurer un nouveau quotidien et une coexistence face à ce contexte. L’interprétation est sobre et juste (y compris Jacques Villeret qui gagne peu à peu en sobriété dans un rôle de simplet) et de Chalonge par sa mise en scène nous fait comprendre que survivre consistera en reprendre possession de son environnement. Les espaces sombres et calcinés reprennent des couleurs, l’horizon s’élargit et le nouveau danger s’incarne en la malveillance humaine par la découverte d’autres survivants. 

Alors si les confrontations manquent peut-être un peu de punch, le réalisateur excelle à conférer une imagerie western au panoramas ruraux français. Le sens du cadre dans un beau cinémascope et la photographie soignée de Jean Penzer donne à voir de somptueux plans d’ensemble filmés notamment dans les départements de l'Hérault et de l’Aveyron. La manière dont chez les antagonistes se rejouent les codes de dominations sociales traditionnelles (mais aussi plus explicitement capitaliste, le méchant se faisant appeler « Monsieur le directeur » par ses sbires) est subtilement amenée notamment grâce à la prestation sournoise et glaciale de Jean-Louis Trintignant. 

Sur les ruines va parvenir à se construire une forme d’utopie (en ce sens il s’agit plus d’un film des années 70 que 80) décorrélée des idéaux du monde moderne déchu, avant qu’un rebondissement final vienne rabattre les cartes. Une belle réussite, parmi d’autres au sein de la filmographie de ce cinéaste très singulier qu’est Christian de Chalonge. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa

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