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samedi 2 septembre 2023

Bobby Deerfield - Sydney Pollack (1977)


 Bobby Deerfield est un jeune champion de Formule 1 méticuleux, ordonné et obnubilé par la victoire. Il assiste un jour à un accident dans lequel un pilote meurt et où un autre est gravement blessé. En lui rendant visite à la clinique, Bobby rencontre Lilian Romelli. Alors que le pilote respire la mort, la jeune femme éclate de vie.

Bobby Deerfield est une adaptation du roman Le ciel n'a pas de préférés d’Erich Maria Remarque, et s’avère une tentative de renouer avec le grand mélodrame hollywoodien dans ce contexte des années 70. Le film adopte un parti-pris plutôt audacieux avec une approche feutrée et tout en retenue pour susciter l’émotion. Il s’agit de la rencontre de deux solitudes qui masquent leur détresse intime de façon bien différente. Bobby Deerfield (Al Pacino) est un pilote de formule 1 chevronné qui propage le sang-froid nécessaire aux joutes du circuit dans sa vie personnelle en maintenant une distance glaciale avec sa famille et son entourage. C’est un être replié sur lui-même qui masque toute émotion derrière l’épaisseur de ses lunettes noires. Malheureusement un incident de course inexpliqué ayant coûté la vie à son coéquipier fissure sa cuirasse et éveille des angoisses qu’il ne peut résoudre par une explication concrète, une faille mécanique. Il va faire la rencontre de Lilian Romelli (Marthe Keller) une jeune femme qui à l’inverse masque sa vulnérabilité sous une attitude excentrique et imprévisible.

Une sorte de road-movie mélancolique en Italie rapproche et sépare alternativement ce couple qui n’en est pas vraiment un, la froideur de l’un et les facéties de l’autre offrant à chacun une forme de fuite empêchant un engagement plus sérieux. Le choix de la retenue est intéressant mais dessert le film en lui donnant un ton et une esthétique uniforme, sans qu’un lâcher-prise vienne rompre cette neutralité et servir l’évolution des sentiments des personnages. Il y a matière à comparaison avec le grand mélo de l’époque, Love Story de Arthur Hiller (1970) qui sur des éléments voisins bouleverse en assumant une certaine emphase dramatique. En remontant plus loin et également produit par la Warner, un classique comme Victoire sur la nuit de Edmund Goulding (1939) jouant sur les mêmes ressorts (une jeune femme malade au temps compté vivant une romance) trouvait quant à lui un bel entre-deux pour le mélange de tonalité feutrée et une certaine flamboyance. 

Mais là c’est comme si le contexte plus désabusé des années 70 (Love Story étant justement une exception) empêchait tout expression affirmée de l’émotion. On traverse de somptueux paysages italiens sans qu’une once de romantisme ne se ressente, l’opposition de caractères des personnages n’est presque jamais matière à des scènes marquantes, dans le drame ou la comédie – à l’exception du moment où Lillian provoque un attroupement en s’amusant de la célébrité de Bobby. Même les scènes de courses sont dépourvues de la moindre énergie et sentiment de danger, filmées avec une rare platitude. 

Si Marthe Keller parvient malgré tout à tirer son épingle du jeu, Al Pacino semble totalement éteint et la dernière partie où le malheur rattrape concrètement le couple nous laisse dans une indifférence polie tant rien n’a été ait pour nous impliquer davantage. L’alchimie entre eux est peu communicative, alors qu’en coulisse Pacino et Keller sont réellement tombés amoureux et furent en couple plusieurs années après le tournage. Peu convaincant donc, mais ce n’est que partie remise pour Sydney Pollack qui signera le grand mélo dont on le sait capable avec le somptueux et célébré Out of Africa (1985).

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner

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