Pages

mercredi 27 septembre 2023

Flic ou voyou - Georges Lautner (1979)


 A Nice, suite à l'assassinat de son confrère, le commissaire Grimaud décide de faire appel à un inspecteur de la "police des polices", Stanislas Borowitz qui découvre au travers de son enquête que l'affaire inclue la mafia niçoise mais aussi des policiers ripoux. Afin de les confondre, Stanislas va alors infiltrer la bande de malfrats. Mais rapidement démasqué, sa fille Charlotte se fait enlever. Il décide alors d'employer la manière forte pour la retrouver.

Flic ou voyou marque un tournant dans la lente bascule de Jean-Paul Belmondo vers « Bebel », de la mue de l’acteur alternant intelligemment cinéma populaire et d’auteur vers la seule figure de divertissements au service de son égo. L’échec commercial de Stavisky d’Alain Resnais (1974) suivit du succès de Peur sur la ville d’Henri Verneuil (1975) marque cette transition mais la formule va définitivement se mettre en place par le véritable triomphe public de Flic ou voyou. En effet Peur sur la ville restait un vrai thriller haletant et une vraie proposition singulière dans le polar français tandis que quatre ans plus tard Flic ou voyou n’est désormais plus qu’un simple véhicule pour les facéties de Belmondo.

C’est la première collaboration entre l’acteur et le réalisateur Georges Lautner. Dans l’opposition que l’on se plait à faire entre Alain Delon et Jean-Paul Belmondo, le premier passe souvent pour le psychorigide narcissique tandis que le second a cette image de bon vivant, ce capital sympathie attachant pour le public. Pourtant, avant de voir sa carrière sombrer dans les années 80 en voulant marcher sur les plates-bandes de Belmondo, la filmographie de Delon durant les années 70 écrase qualitativement celle de son rival. L’exigence, la variété des rôles, le choix des collaborateurs semble se faire avant tout au service du film plutôt que de l’égo. Au contraire Belmondo s’enfermera jusqu’à la caricature, dans un confort, une formule commerciale où son contrôle ne sert que sa personne jusqu’à finir par la lasser le public après certes une domination impressionnante au box-office. 

Pour symboliser cela il suffit de comparer la collaboration des deux acteurs avec Georges Lautner. Alain Delon impose durant leur deux films communs (Les Seins de glace (1975) et Mort d’un pourri (1977)) un cadre et une rigueur pas toujours prégnante chez le réalisateur, tout en lui laissant l’espace pour développer de vrais films ambitieux dans le fond (Mort d’un pourri) et la forme (Les Seins de glace et ses élans de giallo et thriller psychologique). Au contraire, Belmondo fait de Lautner un exécutant presque anonyme dans Flic ou voyou et toutes les collaborations qui suivront (Le Guignolo (1980), Le Professionnel (1981), Joyeuses Pâques (1984)) où l’on ne fait plus la différence avec d’autres films de la formule Bébel (Le Marginal de Jacques Deray (1983), autre réalisateur plus doué et libre avec Delon que Belmondo) qui gâche même des projets aussi ambitieux que Le Professionnel.

Lautner voit après Mort d’un pourri l’occasion de collaborer avec l’autre grande star du cinéma français d’alors dans Flic ou voyou, Michel Audiard dialoguiste sur les deux ayant établit le contact. Le début du film fait son effet, à travers le mystère autour des intentions et de l’identité de Cerruti (Jean-Paul Belmondo), mais aussi son attitude iconoclaste le voyant semer la zizanie dans différents clans de la pègre niçoise. Peu à peu le récit s’enlise malheureusement, laissant trop d’espace au numéro de Belmondo (même si la fantaisie de l’acteur et quelques bons mots d’Audiard font mouche) dans une intrigue lâche et ne parvenant jamais à retrouver le nerf du polar entrevu au départ. Les cascades, certes impressionnantes, ne semblent là que pour servir un cocktail attendu, mais sans ressentir la moindre tension ou ivresse. La poursuite en voiture d’auto-école dans Nice provoque un ennui poli, et l’incroyable morceau de bravoure où Belmondo descend à mains nues un câble de téléphérique semble plus préoccupé à bien montrer que l’acteur exécute lui-même la cascade que de construire un suspense autour.

L’équilibre entre polar et comédie policière n’est jamais tenu, notamment la relation père/fille avec Charlotte (Julie Jézéquel). C’est pourtant un registre que maîtrise Lautner, que ce soit dans la dominante farceuse (Les Tontons flingueurs (1963)) ou plus tendre (le très attachant Il était une fois un flic (1972). Là on sent clairement que le réalisateur n’a pas la main, notamment par le fait que tous ses acteurs fétiches dans les seconds rôles (André Pousse, Henri Cogan, Robert Dalban, seul Venantino Venantini a échappé à la purge) soient absents et remplacés par les habitués des productions de Belmondo (Claude Brosset, Michel Beaune , Charles Gérard). Dans l’équipe technique on remarquera aussi l’absence de Maurice Fellous, directeur photo emblématique de Lautner, au profit de Henri Decaë. Flic ou voyou est donc une production assez poussive et en pilotage automatique (exception faite de la scène d'ouverture la seule aventureuse visuellement) au service de sa star, le charisme de Belmondo parvient à maintenir mollement l’attention (la conclusion certes amusante est d’une rare paresse formelle), tout comme le beau score de Philippe Sarde. Une œuvre qui aura davantage servi la carrière commerciale de ses participants que le cinéma.

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez StudioCanal

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire