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lundi 6 novembre 2023

Les Jeunes Filles de San Frediano - Le ragazze di San Frediano, Valerio Zurlini (1955)


 Florence, quartier de San Frediano. Andrea Sernesi, surnommé Bob (en référence à Robert Taylor), est un Don Juan invétéré. Après la rupture avec sa fiancée Mafalda, pour infidélité, il courtise Tosca et Gina...

Valerio Zurlini signe sa première réalisation avec Les Jeunes filles de San Frediano, une délicieuse comédie de mœurs (adapté d’un roman de Vasco Pratolini) qui s’inscrit dans un registre léger bien éloigné de sa filmographie plus sombre à venir.  On en retrouve pourtant plusieurs éléments thématiques passé au filtre plus solaire et plaisant du « néoréalisme rose ». Il y a par exemple l’aliénation et le conditionnement des personnages à un environnement social, qui concerne autant le goujat séducteur Bob (Antonio Cifariello) que ses diverses conquêtes féminines.

Bob n’apparaît pas ainsi comme antipathique en soi, mais guidé par une inconséquence l’amenant à rechercher les faveurs de toutes les jolies jeunes femmes de son entourage. L’intérêt pour l’une est prompt à se dissiper dès qu’une autre défile sous ses yeux, mais sans que l’on ressente un instinct prédateur ou machiste. La bouille attrayante et pourtant maladroite de Bob exerce un pouvoir d’attraction et éveille un instinct protecteur au sein de la gent féminine, parfois renforcée par la mythomanie de notre héros. Zurlini montre des jeunes femmes contraintes par le contexte patriarcal italien, et pour lesquelles Bob représente une échappée fantasmée lorsqu’elles croient à ses mensonges. Quand les infidélités de celui-ci se révèlent, il continue malgré tout à représenter une sorte d’idéal attisant un pur désir physique. Le vis-à-vis entre les immeubles où chacun guette les allées et venues, les escaliers dans lesquels échanger un baiser furtif et prendre rendez-vous, il y a là un délicieux mélange de proximité et de marivaudage discret.

Bob perd progressivement de sa superbe à cause de son comportement se retournant contre lui, et par des modèles féminins qui en font à son tour leur jouet (irrésistible Corinne Calvet en styliste surbookée). On s’amuse d’ailleurs à voir les jeunes filles certes subjuguées par Bob apprendre à jouer de ses particularismes patriarcaux pour se l’approprier à tout prix et retourner le système à leur avantage. Zurlini déconstruit peu à peu l’édifice mis en place pour magnifier son séducteur, à son tour piégé par un système de pensée qui pose finalement aussi ses contraintes aux figures masculines. L’obligation du mariage après avoir « fauté », l’hilarante séquence finale du retour penaud et douloureux au foyer (après avoir attristé la « mama ») montre aussi une forme d’oppression qui explique à défaut de justifier la fuite en avant de Bob dans son attitude. 

En définitive Antonio Ciferariello tout comme l’ensemble du casting féminin s’avèrent tout aussi attachant dans leurs dérives et offre un instantané des codes sentimentaux dans cette Italie du milieu des années 50. Fort heureusement, Valerio Zurlini saura y ajouter profondeur et noirceur dans ses films suivants, notamment Eté violent (1957), La Fille à lavalise (1960) et Des filles pour l’armée (1965).

Disponible en streaming sur MyCanal

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