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mardi 20 juillet 2010

Bubu de Montparnasse - Bubù, Mauro Bolognini (1970)

Partageant avec Luchino Visconti le goût pour le film d’époque en costume, Mauro Bolognini fut souvent comparé au réalisateur du Guépard et dénigré à tort , ses détracteurs ne voyant en lui qu’une pâle copie. La comparaison s’arrête pourtant là, si ce n’est peut-être pour chacun une première partie de carrière s'intéressant à des univers plus modestes et aux thèmes sociaux qui s’épanouiront dans le néo-réalisme pour Visconti, tandis que Bolognini entamera une fructueuse collaboration avec un Pasolini encore scénariste, dans des grands films comme Le Bel Antonio, La Viaccia ou encore Les Garçons.

Adapté d’un roman de Charles Louis Philippe, Bubu de Montparnasse nous dépeint le destin tragique d'une jeune fille sacrifiant tout à l'homme qu'elle aime. Manipulée et contrainte à la prostitution, Berta s'enfonce dans un quotidien sordide, fait de passes répétées avec des inconnus de tous âges (et de la menace de la syphilis), dont la seule illumination vient des retrouvailles avec cet homme qui ne la mérite pas.

Un beau portrait de femme qui inscrit le film dans la tradition des grands personnages féminins sacrificiels de la littérature du XIXe, tous régis par la tyrannie et la lâcheté des hommes. Tyrannie, avec Bubu joué par un Antonio Falsi abject et dont la beauté triste aveugle l'héroïne, et lâcheté avec l'étudiant faible de caractère incarné par Massimo Ranieri, indécis et incapable de sortir la femme qu'il aime de la fange. Le fond sordide accompagne une forme d'une beauté irréelle, entre la photo diaphane d'Ennio Guarnieri et les costumes magnifiques de Piero Tosi dans un Paris fantasmé (le seul vrai lien avec le cadre du roman : la monnaie qui reste le franc) où par la grâce du montage Turin, Milan et Rome ne forment plus qu'une seule et même ville imaginaire.

On saisit là toute la différence avec Visconti tant Bolognini se distingue des enluminures plus pointilleuses de celui-ci. Les moyens moindres et les milieux dépeints contraignent Bolognini à une sobriété et une astuce de tous les instants (une grande scène de marché cadrée uniquement sur la petite parcelle reconstituée comme à l'époque et qui donne l'illusion d'un décor immense alors qu'en arrière plan, tout est resté contemporain sans qu'on le distingue) et rend d'autant plus saisissantes les somptueuses compositions de plan, véritables tableaux en mouvement, inspirés des impressionnistes comme Renoir, Lautrec ou Manet.

En cherchant plus à capter l'atmosphère que le détail, Bolognini offre une vision différente mais tout aussi convaincante que les reconstitutions les plus luxueuses de Visconti. La mélancolie qui se dégage de toutes ses images nous orientent ainsi vers la chape de plomb inéluctable qui pèse sur l'héroïne en dépit de quelques touches d'espoir.

La conclusion plonge dans un abîme de désespoir où Bertha est à nouveau le jouet des hommes qui, brutaux ou sensibles, ne peuvent lui apporter ce qu'elle désire : une vie. Ottavia Piccolo, tour à tour candide, innocente, puis presque rongée par la folie lorsque les événements s'acharnent sur elle, offre une prestation magnifique.


Sorti récemment en dvd zone 2 chez Carlotta

2 commentaires:

  1. je voulais juste vous dire qu'à côté de L'héritage et de La grande bourgeoise, j'avais beaucoup apprécié La dame aux camélias, avec Isabelle Huppert. Il y avait là toute une époque transposée et Huppert était convaincante.

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  2. C'est vraiment dommage que les films de Bolognini soit si peu visibles en France. J'espère vraiment que Carlotta va poursuivre les sorties j'aimerai vraiment découvrir tout ceux que vous avez cités et aussi La Viaccia, Metello ou Mademoiselle de Maupin qui me tentent beaucoup...

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