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mercredi 14 mars 2012

Le Skylab - Julie Delpy (2011)



Juillet 1979, pendant les vacances d’été dans une maison en Bretagne. A l’occasion de l’anniversaire de la grand-mère, oncles, tantes, cousins et cousines sont réunis le temps d’un week-end animé.

Si on excepte le peu vu et plus hermétique Looking for Jimmy, la carrière de réalisatrice de Julie Delpy fut véritablement lancée avec le truculent Two Days in Paris . On fera pourtant difficilement le lien avec le plus ténébreux La Comtesse (sur les méfaits sanglants de Bathory) qui a suivi et encore moins Le Skylab, nouveau film qui se distingue par son aspect plus ouvertement « comédie française » avec tout ce que le terme a de péjoratif. La cohérence dans ce papillonnage est à chercher dans Before Sunset, deuxième volet du diptyque romantique de Richard Linklater. Julie Delpy y reprenait dix ans plus tard le rôle qu’elle tenait dans Before Sunrise (1995), le personnage de jeune fille insouciante devenant une adulte ayant vécu et connu douleur et déceptions. Pour ce faire, Linklater avait demandé à l’actrice et à son partenaire Ethan Hawke de coécrire le scénario avec lui et d’y inclure leurs expériences et anecdotes personnelles. Le résultat fut confondant d’émotion et de naturel et Julie Delpy fut nominée à l’Oscar du meilleur scénario original.
Dès lors chacune de ses réalisations suit cette logique en étant toujours profondément rattachée à sa vie. Two Days in Paris est une inspiration évidente du choc culturel qu’à certainement dû rencontrer une Delpy depuis si longtemps expatriée aux USA avec ce couple franco-américain découvrant toutes ses différences le temps d’un séjour à Paris. Bien que fascinée depuis longtemps par la figure de Bathory (le projet fut long à être lancé), lorsque La Comtesse se fait enfin, le film fait figure de catharsis pour Julie Delpy. Elle perd sa mère durant le tournage et affronte sa propre peur de la mort en incarnant Bathory (n’ayant pas encore l’âge du rôle, elle ne devait pas le tenir lors des premières tentatives de monter le projet), rôle impudique d’une femme qui noie dans le sang et les larmes sa hantise de vieillir.
Cette approche semi-autobiographique demeure sous un jour plus léger avec Le Skylab qui s'inspire en partie de ses souvenirs d'enfance de vacances familiales en Bretagne à la fin des années 70. Après une introduction contemporaine avec Karine Viard, on suit donc le temps d'une journée les vacances de la petite Albertine (la jeune Lou Alvarez épatante en miroir enfantin), venue passer avec ses parents un séjour dans la maison de campagne en compagnie du reste de la famille. En apparence, c'est le film le plus ouvertement "léger" de Julie Delpy, totalement dénué du moindre ressort dramatique, hormis la pseudo menace de la chute du Skylab - première station spatiale américaine qui s’écrasa en 1979 dans l’Océan indien - sur la Bretagne. Ce dernier élément, loin d'être superficiel sert en fait à figer cette journée heureuse (et ses premiers émois adolescents) dans la mémoire de l'enfant qui savoure d'autant plus les moments partagés face à cette possible fin du monde.

La narration se fait légère et nonchalante, dynamisée par le talent de Delpy pour caractériser avec brio une dizaine de personnages à travers des situations de vacances banales, repas, une sortie à la plage, une partie de foot. Rien n'est trop appuyé et on ne s'attarde trop longtemps sur personne tout en ayant vite le sentiment de connaître tout le monde grâce au casting remarquable. Les différences, conflits et angoisses de chacun, s'esquissent progressivement, que ce soit le choc des cultures (le couple Delpy/Elmosino un peu intello baba cool face aux beaux-frères fans de Sardou et Cloclo) ou politiques. A deux ans de l'arrivée de la gauche au pouvoir, les conflits idéologiques font ainsi des étincelles et le talent de Delpy pour la réplique assassine est toujours aussi efficace.

Il se dégage une belle chaleur de l'ensemble notamment grâce aux performances d'Eric Elmosino épatant en papa décontracté et chambreur, Julie Delpy (qui joue donc l'équivalent de sa propre mère mais ne se met pour autant pas plus en avant), Albert Delpy en vieux oncle lunaire et torturé et tous les autres (Noémie Lvovski, Sophie Bonneton, Vincent Lacoste héros des Beaux Gosses...) toujours justes. Les jeunes acteurs, bien plus matures que leur aînés doux dingues sont vraiment parfaits de naturel et très attachants.

Seul petit reproche, on regrettera juste une crise d'angoisse finale qui surligne un peu trop ce qui avait été si bien suggéré en filigrane et casse un peu la tonalité subtile et en surface du reste du film. Une belle réussite néanmoins qui montre une Julie Delpy toujours aussi à l’aise et pertinente dans un registre plus populaire.

Sorti en dvd chez Warner



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