A la mort de son mari, la comtesse Elizabeth Bathory se trouve à la tête
d’un vaste domaine etd’une immense fortune. Aidée de sa confidente, la
sorcière Anna Darvulia, Elizabeth étendprogressivement son influence,
suscitant chez chacun crainte, admiration et haine, pourdevenir la femme
la plus puissante de la Hongrie du 17ème siècle – dictant ses
conditions jusqu’au roi lui-même.Elle rencontre alors un séduisant jeune
homme dont elle tombe éperdument amoureuse mais celui-ci l’abandonne.
Le succès international de son second film Two Days in Paris fut l’occasion pour Julie Delpy de monter enfin un projet qui l’obsédait de longue date avec ce portrait de la Comtesse Bathory. Two Days in Paris, drôle, enlevé et doux amer malgré un romantisme moins voire pas appuyé pouvait néanmoins être rapproché de Before Sunset, second volet du diptyque sentimental de Richard Linklater dont elle coécrivit le scénario qui lui valut une nomination à l’Oscar. Froid, ténébreux et hiératique, La Comtesse est un film fort différent et qui offre une vision inattendue de Bathory.
Pour rappel, la Comtesse Bathory est une noble hongroise ayant vécu au croisement du XVIe et du XVIIe siècle et passée à la postérité pour sa pratique consistant à se baigner dans le sang de jeunes vierges pour préserver sa jeunesse. Le mythe a rapidement dépassé la réalité et Bathory est depuis toujours associée aux fantasmes gothiques les plus extravagants et sanguinolents. Ce n’est pas cette vision là, trop simple, qui intéresse Julie Delpy. Si la légende est néanmoins respectée, elle s’inscrit en parallèle d’une intrigue s’intéressant plus à la femme Bathory et les raisons qui vont l’amener à devenir la meurtrière Bathory.
Le récit offre ainsi d’un côté cette facette historique replaçant la Comtesse dans ce cadre archaïque noué d’intrigues, de l’autre une histoire sentimentale presque idéalisée pour mieux être broyée lorsque le dépit amoureux et la peur de la mort amènera l’héroïne à ses exactions sanglantes. Julie Delpy dépasse le récit horrifique attendu pour offrir une passionnante réflexion sur la guerre des sexes et la féminité, ce point de départ plus ancré dans la réalité n'en rendant les débordements que plus éprouvant et inattendus. Le fantastique est en retrait, l'atmosphère épurée et lumineuse à contre-courant de l’imagerie gothique (pas totalement absente mais sobre) et le caractère essentiellement psychologique du rajeunissement souligne cette approche « réaliste ».
Julie Delpy entretien néanmoins un doute et un malaise diffus en nous plongeant dans l’esprit dérangé de Bathory avec un montage entretenant la confusion entre le reflet idéalisée que se donne Bathory lorsqu'elle s'observe et l'image que le spectateur (mais aussi son amant Daniel Bruhl qui prend en main la narration en voix off) a d'elle. C'est tantôt trop appuyé pour être dupe parfois plus subtil et loin d’être un simple drame en costume, La Comtesse distille des atmosphères à la lisière du genre grâce de sublime séquence (les loups arpentant les bois pour dévorer les cadavres des jeunes filles, l’utilisation de la cage).
Très bon article, à la hauteur de cet excellent film :)
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