Easy Money est un très plaisant et amusant film à sketch satirique autour de la tradition anglaise du "football pool", soit les paris sur les matchs du championnat. Le film marquait la prise de pouvoir du producteur Sidney Box aux studios Gainsborough, auréolé du succès extraordinaire du
Septième Voile un des films les plus populaire du cinéma anglais qu'il écrivit (avec sa femme Muriel Box) et produisit. Jusque là spécialisé dans le mélodrame en costume, le studio Gainsboruough change de direction sous l'influence d'un Sidney Box souhaitant amener une touche plus contemporaine et réaliste au films du studios.
Easy Money par son mélange des genres, son humour caustique et surtout son sujet très terre à terre parlant à un public subissant encore les privations de l'immédiat après guerre est donc assez emblématique de ce nouvel élan.
Après une introduction ironique nous présentons le goût des anglais pour les jeux d'argent et plus particulièrement pour le "football pool", le film se divise en quatre sketch nous présentant avec humour les réactions diverses et variées de diverse tranche de la population face à des gains inattendus.
Le premier sketch nous présente une famille anglaise de classe moyenne heureuse et aimante mais qui a tout de même du mal à joindre les deux (le fils et la fille aîné adultes ainsi que la grand mère vivant toujours avec la famille souligne de manière sous-jacente cet aspect économique difficile). Tout change lorsque le père (Jack Warner) découvre avec stupeur que son traditionnel pari est gagnant. L'argent n'est pas même arrivé que la famille se déchire déjà, entre les affaires douteuse du fils, le désaccord entre mari et femme pour déménager au bord de la mère et la grand-mère scandalisée d'avoir des parieurs sous son toit.
Gros problème cependant, la fille cadette (jouée par une toute jeune Petula Clark, oui celle de Downtown !)a oubliée de poster le billet gagnant à la loterie nationale... Simple et efficace, le sketch montre assez habilement comment l'argent devient pomme de discorde et réveille les vieilles rancoeurs à l'opposé de la modeste condition de départ qui amenait tout le monde a se serrer les coudes. Les protagonistes très attachants évite au sketch de tourner à la rhétorique démonstrative et l'ensemble se suit avec plaisir.
Le second sketch est plus ouvertement caustique et distancié, mais aussi plus tragique. Atkins, un modeste employé (Mervyn Johns) découvre qu'il est vainqueur de son dernier pari sportif. La nouvelle a de quoi alarmer cet homme faible et effacé qui ne sait comment gérer la situation sans mettre à mal sa discrétion naturelle. Mervyn Johns est épatant en esprit faible pris entre sa femme qui l'incite à démissionner de son emploi ingrat et son patron qu'il n'ose pas même regarder dans les yeux (et une belle idée de ne signaler sa présence qu'en voix off et vue subjective qui le rend plus imposant encore pour le malheureux héros). La chute est assez cruelle avec un stratagème farfelu qui tourne bien mal.
Le troisième sketch est le plus luxueux avec son univers du music-hall et lorgne sur le film noir. C'est d'ailleurs à
Gilda qu'on pense avec une Greta Gynt se la jouant Rita Hayworth en chanteuse au sex-appeal ravageur et affolante en robe longue fendue. Une vraie femme fatale qui va causer la perte de son amant Joe (Dennis Price futur héros de
Noblesse Oblige), employé de loterie qui va truquer la billetterie afin d'avoir les moyens de l'entretenir. Une bonne petite intrigue policière habilement mené et à la chute bien cynique dominée par la prestation de Greta Gynt aussi vénale que sensuelle.
Le dernier sketch est aussi le plus léger et drôle de l'ensemble. Edward "Teddy" Ball (Edward Rigby) est un vieux contrebassiste méprisé par son chef d'orchestre qui ne lui accorde qu'un espace minimale d'expression (son jeu est génialement limité) et ne cesse de le railler. Lorsqu'à son tour il devient riche grâce au "football pool" l'occasion lui sera donné de prendre une éclatante revanche. Le vétéran Edward Rigby est génial en vieux musicien bougon et le sketch est le seul à montrer son héros réellement jouir de sa nouvelle condition. Le second degré est omniprésent avec la bande son envahi par la seule note de contrebasse que Rigby peut (sait ?) jouer nous guidant vers une chute éclatante de drôlerie.
Très bon et homogène (c'est rare) film à sketch donc, une belle réussite dans le genre.
Sorti en dvd zone 2 anglais mais dépourvu de sous-titres français ni anglais.
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