Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 5 juillet 2011

Le Vent garde son secret - Whistle Down the Wind, Bryan Forbes (1961)


Un magnifique film sur l'enfance et la perte de l'innocence qui constitue en quelque sorte le pendant anglais de Du Silence et des Ombres et qui était une nouvelle fois l'occasion de constater le talent précoce d'Hayley Mills. Le film est d'ailleurs une adaptation (par elle même au scénario avec Keith Waterhouse) d'un roman de Mary Hayley Bell , la mère d'Hayley Mills et on y retrouve cette atmosphère rurale si particulière qui fera le charme de Sky West and Crooked, le premier rôle adulte qu'elle écrira pour sa fille dans un film réalisé par son époux John Mills.

L'aspect racial de To Kill a Mockingbird disparaît totalement ici pour une approche de la religion naïve et touchante par un regard enfantin. Kathy (Hayley Mills) est donc une fillette vivant en campagne avec ses jeunes frères et soeurs Nan et Charles. Ayant perdu leur mère, il sont élevé par leur rugueuse tante et leur père (joué par Bernard Lee le futur M des 11 premiers James Bond) qui est bien plus occupé par la gestion de son domaine fermier. Ainsi livré à eux même, les trois enfants menés par leur grande soeur vivotent au gré de leur pérégrination dans la nature environnante de leur ferme et de leur petit village. Un jour, après avoir sauvé des chatons de la noyade, Kathy a un mot malheureux où elle remet en cause l'existence de Jésus ce qui lui est fortement reprochée par sa soeur. tenaillée par le remords elle croit ainsi voir le Christ revenu sur terre dans sa grange alors qu'il ne s'agit que d'un meurtrier blessé et en cavale (Alan Bates dans son premier rôle à l'écran). Une étrange relation va s'ensuivre.

Le film offre ainsi une vision contrastée de la religion selon l'interprétation qu'en font les enfants ou les adultes. La naïveté et l'innocence de l'interprétation qu'en font les enfants rend finalement toute sa simplicité bienveillante au message originel, parvenant à ébranler la dureté d'un criminel endurci (d'ailleurs hormis un avis de recherche placardé Alan Bates presque jamais nommé par son vrai nom comme pour maintenir l'illusion des enfants). A l'inverse, les adultes y voient des principes à respecter plus qu'une croyance, des paroles sacrées à retenir plus qu'à comprendre. Une scène s'avère criante à ce titre lorsque Kathy souhaite consoler son frère de la perte de son chaton et interroge le curé sur la raison pour laquelle Jésus laisse certains être mourir.

Ce dernier n'a qu'une formule toute faite et insipide à lui offrir, sans comprendre les interrogations et la détresse de l'enfant face à l'injustice de la mort. La croyance imprègne ainsi cette communauté mais de manière superficielle à l'image du personnage de Patricia Heneghan officiant à l'armée du salut et passant le film à psalmodier mécaniquement des paroles vidées de leurs sens. Finalement dans leur erreur les enfants s'avèrent donc paradoxalement les plus sincères.

Bryan Forbes capte magnifiquement cette atmosphère campagnarde par sa mise en scène épurée et un cadre magnifié par le superbe noir et blanc de Arthur Ibbetson. Le film est gorgé de symboles plus ou moins prononcés faisant le rapprochement entre l'aventures des enfants et les Evangiles. L'ombres des rois mages plane lorsque les trois enfants viennent apporter des présents à Alan Bates réfugié dans leur grange (les halo de lumière traversant l'obscurité du lieu instille aussi cet atmosphère), un gamin malmené par la brute du village va renier trois fois avoir vu Jésus un sifflement se faisant entendre au loin (et donnant son sens au titre) à la troisième imprécation.

La mise en scène de Forbes joue largement de cette analogie, la visite du groupe d'enfant dans la grange évoque par sa disposition les disciples entourant Jésus, plus tard un cadrage en plongée de Nan s'adressant à Alan Bates (réfugié en haut de la grange) accentue l'aura divine que lui associent les enfants et le final voyant l'arrestation de Bates le montre adopter la posture en croix christique selon le point de vue de Hayley Mills.

Le film évite tout prosélytisme puisque toutes interprétations religieuses sont soumis au regard et à la foi innocente des enfants et en particulier Hayley Mills une nouvelle fois très touchante. Le ton est d'ailleurs très ludique sous le drame grâce à la candeur et l'espièglerie des enfants et des stratagèmes dont il font preuve pour nourrir leur Messie.

Alan Bates n'est jamais embelli ni investit d'un grand message mais l'émotion qui le gagne face à la confiance et l'amour que lui donnent les chérubins estompe progressivement son aura menaçante, et on comprend aisément le mystère (Forbes jouant judicieusement de l'analogie physique avec sa barbe et son regard bienveillant) que peut dégager pour les jeunes héros son mutisme . La traque dont il est l'objet ne fait d'ailleurs que renforcer l'illusion des enfant en transposant sa persécution à l'ère moderne dans un beau final tout en retenue.

Un beau film à l'impact certain sur la culture populaire anglaise puisque une transposition en comédie musicale suivra plus tard dans les années 90 et plusieurs groupes pop placeront des références à Whistle in the wind dans leur chanson comme New Order sur Vanishing Point( issue de l'album Technique en 1989) avec cette ligne fort parlante "and they gave him away, like in 'Whistle Down the Wind,' by the look on his face, he never gave in".

Sorti en dvd zone 2 anglais et doté de sous-titres anglais

Extrait

3 commentaires:

  1. Film magnifique !
    Si vous avez aimé "To Kill a Mockingbird", vous ne pourrez qu'être touché par cette histoire.
    Il m'est arrivé aussi de penser, en voyant les beaux plans de enfants marchant sur les collines, un arbre noir se détachant sur le ciel blanc, au "Ruban blanc" récent de M. Haneke... mais le registre est moins pesant, la tonalité est toute autre. A voir absolument, même en anglais! (Le Haneke aussi, au fait!)
    Et revoir Hailey Mills... J'étais gamine quand je l'ai vue dans "La Fiancée de Papa"... (cela situe mon époque)et elle y montrait un beau caractère!
    Et Alan Bates, débutant mais déjà si présent!
    Isabelle

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  2. Tout à fait c'est vraiment un film à découvrir si on aime "To kill a Mockinbird" les deux films sont vraiment proche dans leurs thématiques et par leur grande qualité. Hayley Mills était vraiment une des actrice juvénile les plus douée et intéressante, sorti des Disney (mon préféré "L'espion au pattes de velours !) elle a une filmographie vraiment intéressante. J'ai parlé de pas mal de ses films sur le blog comme le film noir "Les Yeux du témoin" très bon aussi et le drame "Sky west and crooked". Et ses premiers rôles adultes se font aussi dans des films passionnant comme "The Family Way". Dommage que tout ça soit si méconnu et presque pas disponible en France...

    Sinon j'essaierai éventuellement de faire abstraction de mon allergie au cinéma d'Haneke vous avez éveillé ma curiosité ;-)

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  3. Je ne connais pas vraiment Haneke, à part "La Pianiste".
    Mais "Le Ruban blanc" est un film incontournable, son sujet est grave et ne laisse pas indemne. Il est splendide esthétiquement, de surcroît, sur un bel écran TV.
    N'hésitez pas!
    Isabelle

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