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jeudi 18 février 2016

Assassinats en tous genres -The Assassination Bureau , Basil Dearden (1969)

Jeune femme indépendante qui cherche à faire carrière dans le journalisme, Miss Winter (Diana Rigg) enquête sur une entreprise assez spéciale : le bureau des assassinats. Elle vend son projet d’article au propriétaire d’un gros journal anglais Lord Bostwick (Terry Savalas) et se fait passer pour le commanditaire d’un assassinat pour rencontrer le directeur du bureau, un certain Ivan Dragomiloff (Oliver Reed). Celui-ci est quelque peu surpris quand il apprend l’identité de la victime, mais accepte la mission au nom du bureau.

Basil Dearden signe un divertissement de haute volée avec The Assassination Bureau, drôle, trépidant et classieux. Le film a pour origine un roman inachevé de Jack London, dont l'ami et auteur Sinclair Lewis lui suggéra l’idée d'un récit traitant d'une société secrète d'assassin. Jack London se lança donc en 1910 mais, incapable d'en donner une conclusion satisfaisante mis le roman de côté pour un temps et celui-ci resta inachevé à sa mort en 1916. Bien plus tard en 1963, l'auteur Robert L. Fish se basant sur des notes de Jack London achève le roman qui peut enfin paraître.

En ces 60's pop marquée par le succès des James Bond, une adaptation est rapidement mise en route par le producteur Michael Relph qui convoque pour le mettre en scène son vieil ami Basil Dearden dont il fut le directeur artistique sur de nombreux films à la Ealing comme Au cœur de la nuit (1945) ou Saraband for Dead Lovers (1948). Marqué par ses créateurs de renom, le film marquera donc une première rupture avec le roman en se déroulant en Europe plutôt qu'aux Etats-Unis et étant bien plus marqué par un certain esprit british.

Le récit conjugue habilement questionnement moral, réflexion sur la féminité et un jeu astucieux sur le contexte politique européen explosif de l'avant Première Guerre Mondiale. Comme le montre un hilarant pré générique, l'assassinat est plus matière à ridiculiser la maladresse ou la virtuosité des tueurs officiant plus par l'amour du sport que par volonté politique. C'est la vertu détachée de l'Assassination Bureau dirigé par Ivan Dragomiloff (Oliver Reed), pour peu que la cible ait eu des agissements répréhensibles et que le cachet soit lucratif. Cette ambiguïté morale va le rattraper lorsque l'apprentie journaliste Miss Winter (Diana Rigg) remonte la piste du Bureau pour commanditer son propre meurtre. Ivan par amour du jeu relève le défi et se voit traqué à travers l'Europe par ses anciens collègues mais la manœuvre cache un complot plus vaste.

Le ton ludique conjugué à une narration enlevée et pleine de rebondissements fait passer tous les écarts (notamment narratifs voir la facilité avec laquelle Miss Winter infiltre le Bureau même si on aura une explication)) grâce à la richesse du propos sous la légèreté. Cela passe notamment par une délicieuse Diana Rigg. Miss Winter est une jeune femme portée par sa seule ambition et velléités féministe, dont la rigueur morale et le désintérêt pour la frivolité relève plus du manque de vécu. Révoltée par le principe de l'Assassination Bureau, elle va pourtant user d'un procédé douteux pour le démanteler et tirer un bon sujet d'article par la même occasion. Suivant bien malgré lui Ivan dans son périple à travers l'Europe où il essaie de devancer ses poursuivants, Miss Winter va bientôt vaciller en tombant amoureuse de lui.

Chaque étape et pays visité permet d'aborder une ambiance et une tonalité différente incarnée notamment par le tueur auquel se confronte nos héros. Le Paris libertin de la Belle Epoque nous vaudra une visite dans une rutilante maison close dirigée par le vénal Lucoville (Philippe Noiret). Le décor pétaradant joue autant du fantasme que l'on se fait de cette période que de l'esthétique pop et de la liberté de ton des 60's avec ces jeunes filles courte vêtues, la manière dérobée dont on accède à ses lieux de plaisirs. Oliver Reed se situe l'humour en plus dans le sillage du Love de Ken Russell avec des personnages élégants et loin des rôles de rustres qui l'on fait connaître. Il associe cette classe à un transformisme à la Arsène Lupin et une présence virile à la James Bond qui le rend irrésistible dans les différents stratagèmes qu'il monte pour méduser ses poursuivants.

On s'amuse beaucoup de la complicité naissante avec une Miss Winter qui se déride au fil de l'aventure et de ses propres mésaventures. Diana Rigg alterne avec brio ingénuité (notamment durant les scènes avec un Telly Savalas qu'elle recroisera cette même année dans le grandiose Au service secret de sa majesté), présence sexy et forte personnalité. La scène où elle se retrouve en petite tenue, subit une rafle policière et garde tant bien que mal sa dignité en réclamant l'ambassadeur anglais est un régal. Cette vulnérabilité et féminité subie devient naturelle au fil du récit, sa vision se faisant moins binaire avec les sentiments naissants pour Ivan. Là encore de jolis moments (la scène où elle cherche une bombe dans sa chambre où celle où elle sauve Ivan en oubliant son investissement initial) vienne ponctuer la transformation dans les attitudes plus séduisantes et la présence de plus en plus sexy de Diana Rigg.

Même si l'on traverse une sorte d'Europe décalée à la Tintin (passant par Venise, Vienne ou Paris) le sujet est intéressant dans son enjeu voyant l'assassinat revêtir des vertus politique en vue de manipulation en cette ère pré Première Guerre Mondiale. Ivan est presque le garant d'une époque plus morale et insouciante malgré son statut d'assassin tandis que les adversaires seront des adeptes du complot et du chaos. Cette vilenie ordinaire est parfaitement représentée par la veuve pulpeuse qu'incarne Annabella Incontrera. Michael Relph offre une splendide direction artistique parfaitement mise en valeur par Dearden avec des visions chatoyantes de cette Europe reconstituée à Pinewood, appuyant sur un faste et un rococo dont l'éclat cherche à masque le danger tapis dans chaque recoin (le face à face entre Ivan et Annabella Incontrera dans le somptueux palais vénitien).

Trépidant de bout en bout, le film s'offre même un final sacrément spectaculaire entre James Bond rétro et steampunk avec un long affrontement en Zeppelin lourdement armé. Dearden joue autant des intérieurs tortueux de l'engin que des visions impressionnantes le montrant avancer et vaciller dans les airs. Les transparences sont certes assez voyantes mais c'est mis en scène avec un tel panache qu'on reste bien accroché. Seul regret le scénario retrouve un semblant d'élan machiste (alors que c'était parfaitement équilibré jusque-là) en ne faisant pas réellement participer Diana Rigg au sauvetage final même si cela vaudra un bon dernier gag. Un thriller et film d'aventures originale et ludique épatant donc, bonne surprise.

Sorti en dvd zone 1 Warner Archive et doté de sous-titres anglais

5 commentaires:

  1. Basil Dearden, voilà un metteur en scène intéressant et méconnu. Il est vrai que la rareté de ses films en dvd par chez nous complique la chose. Acheter en Angleterre par internet semble être la seule solution, hélas. J'ai vu ainsi la ligue des gentlemen et sur TCM, grâce à un pote, l'excellent All night long

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  2. Oui quasiment rien de disponible de lui en France c'est dommage j'en ai évoqué quelques-uns sur le blog mais c'était de l'import anglais effectivement. J'ai justement Laligue des gentlemen et All night long en dvd mais pas encore vus ça m'incite d'autant plus à les voir sous peu. J'aimerai beaucoup voir aussi The Blue Lamp qui est parait il un de ses meilleurs polars, son genre de prédilection.

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    1. Disponible en GB tout comme Sapphire recommandé lui aussi.
      J'ai un autre film de lui sous le plus petit chapiteau du monde, comédie dans un coffret Peter Sellers.

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    2. Très bon Sapphire oui, sujet audacieux et rondement mené, beaucoup apprécié j'en avais parlé là sur le blog

      http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2013/05/operation-scotland-yard-sapphire-basil.html

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