Pages

mercredi 26 avril 2017

The Angry Silence - Guy Green (1960)

Tom Curtis (Richard Attenborough) est ouvrier dans une usine du nord de l’Angleterre père de deux enfants, avec un troisième en route. Quand une grève éclate, il décide de ne pas suivre le mouvement et de continuer à travailler. Les pressions se font de plus en plus fortes, et sa famille est mise en danger, mais au lieu de céder, Tom persévère. Une fois la grève terminée, il doit faire face à l’isolement et au silence imposé par ses collègues. Les média attirent alors l’attention sur la situation de Tom. Mais cela ne fait qu’empirer les choses.

The Angry Silence est la première production Beaver film, la société fondée par Richard Attenborough et Bryan Forbes d'où sortiront nombres de grandes réussites anglaises des années 60 réalisée par tous deux : Le vent garde son secret (1961), La Chambre indiscrète (1962), Le Rideau de brume (1964), Oh! What a Lovely War (1969)... The Angry Silence s'avère une sorte de pendant sérieux et dramatique de I’m all right Jack (1959) des frères Boulting, virulente satire qui dénonçait les petit arrangements et la corruption du monde de l'entreprise et des syndicats. C'est également le propos du film de Guy Green qui transcende toute idéologie pour un constat virulent.

Le suivisme et un certain obscurantisme militant se révèle ainsi dans une usine du nord de l'Angleterre. Un agent extérieur (Robert Burke) aux motifs nébuleux s'immisce ainsi auprès du délégué syndical (Bernard Lee) pour semer la discorde au sein de l'entreprise. Guy Green présente au départ l'usine comme un espace convivial et de camaraderie, du moins tant que l'on en reste du point de vue des ouvriers. Les angoisses économique semblent pouvoir se résoudre par le travail (Tom Curtis (Richard Attenborough) et l'annonce de la troisième grossesse de sa femme), les amours plus ou moins sérieuses se nouent avec les jolies ouvrières qu'on tente maladroitement de séduire pour Joe Wallace (Michael Craig également coscénariste du film) et côté loisir un tour au pub après une journée de labeur ou football le weekend semblent constituer une évasion satisfaisante pour ces gens simples.

Les quelques désaccords entre le délégué syndical et la direction (le manque de protection sur les machines sont bien là, mais leur résolution semblent plus reposer sur un jeu de pouvoir que sur un vrai souci du bien collectif. Ainsi une grève est décidée sans que l'on ait ressenti une réelle oppression patronale et surtout sans un début de négociation qui aurait éventuellement avortée. Richard Attenborough souhaitait dénoncer le rôle discutable que pouvait exercer des agents extérieur d'extrême gauche pour exacerber les conflits sociaux, ce que semble être le personnage manipulateur de Robert Burke qui fait grimper la tension sans que la branche syndicale officielle ait pu intervenir.

La tradition amène donc le lancement d'une grève machinalement votée par les ouvriers sans qu'ils n'en comprennent réellement le motif. Tous sauf Tom Curtis, autant motivé par sa situation familiale précaire qu'une conscience individuelle dont sont dénués ses collègues. Dès lors la cause n'a plus d'importance, seule compte la soumission de celui qui a osé sortir du rang. La violence se fait furtive, qu'elle soit concrète avec une réelle intimidation physique, psychologique et sociale avec l'ignorance et la mise au ban de Curtis et au final vraiment malveillante quand les actes nocifs sortent du cadre d l'usine et touche la famille du héros. La mise en scène de Guy Green brille à traduire cet isolement du personnage. Son individualité face à la meute est de plus en plus marquée, notamment lorsque sa silhouette traverse stoïquement les rangs de grévistes pour se rendre à l'usine déserte. Lorsque le travail reprendra, les compositions le mettent en avant plan dans les couloirs parcourus de machines. Lors d'une scène marquante le réfectoire lieu de cette camaraderie initiale prend des allures de cirque grotesque et hypocrite par un jeu sur les plongées, les gros plans monstrueux sur les visages ouvriers décérébrés.

Cette vision sera celle qui provoquera un hurlement de rage de Curtis envers ses anciens amis lui apparaissant sous leur vrai jour. Le propos sera encore plus virulent lorsque la situation prendra de l'ampleur pour attirer les médias, les ouvriers interrogés étant incapables de donner de motifs concrets à l'ostracisation de leur collègue si ce n'est d'avoir exprimé une opinion individuelle. Richard Attenborough livre une très grande prestation, sensible et puissante pour incarner cet homme simple dépassé par ses choix. La droiture et l'intensité de la conviction passe par ce jeu de plus en plus fiévreux et habité, le reste du casting n'étant pas en reste notamment Michael Craig en mouton culpabilisant, Bernard Lee en syndicaliste détestable et Geoffrey Keen en superviseur résistant à la pression - Pier Angeli très touchante également et on croise un Oliver Reed débutant. Le film fut accusé d'être antigrève mais finalement les patrons sont tout autant fustigés, s'accommodant de cette loi du silence et livrant en pâture Curtis pour ne pas perturber leurs affaires en cours. Richard Attenborough membre du parti travailliste n'a donc pas un propos réellement politique mais dénonce la meute instrumentalisée pour célébrer l'individu dont l'ultime rempart reposera plus sur son foyer que l'idéologie.

Néanmoins le propos du film fut parfois mal perçu, manquant d'être interdit au Pays de Galles par le syndicat des mineurs mais Attenborough se rendra sur place pour leur projeter le film afin d'en faire comprendre le vrai sens. Un vrai grand film dont propos audacieux (le final est particulièrement sombre et rageur) lui vaudra une nomination à l'Oscar du meilleur scénario.

Sorti en bluray et dvd zone 2 anglais chez StudioCanal, dot de sous-titres anglais 

Extrait

1 commentaire:

  1. merci pour cette chronique qui prouve que le cinéma anglais reste toujours à découvrir... Dommage qu'il soit si peu distribué en France,malgré les efforts de certains éditeurs...

    RépondreSupprimer