Pages

mardi 21 novembre 2017

Vampire Hunter D : Bloodlust - Yoshiaki Kawajiri (2000)


Dans un futur lointain, la Terre est encore dominée par les vampires, même si leur nombre est en constante diminution. Un nouveau type de chasseur est apparu, les chasseurs de vampires. D, Dunppeal, fils d'une mortelle et de l'ancien roi vampire, est l'un de ces chasseurs. Solitaire, isolé de tous, rejeté par sa race et celle des humains, il a fait le choix de chasser les vampires. Meier Link est l'un des derniers vampires de son temps. Réputé pour sa violence envers les êtres humains, il enlève une jeune femme prénommée Charlotte Elbourne. Le père de celle-ci engage l'équipe des frères Markus, redoutables mercenaires et D, pour la retrouver, les mettant en compétition. Leur objectif : ramener Charlotte vivante, ou la tuer si nécessaire.

Les classiques étranges et brutaux tels que La Cité interdite (1987) et surtout Ninja Scroll (1994) auront contribués à une certaine renommée internationale pour Yoshiaki Kawajiri. Ses œuvres exploitées en vidéo aux Etats-Unis notamment marquent durablement les Watchowski (qui viendront le chercher pour un sketch d’Animatrix, leur déclinaison omnibus de l’univers de Matrix) ou Guillermo Del Toro dont le Blade 2 (2002) est imprégné de l’influence de Kawajiri. Dès lors on ne s’étonnera pas que ce Vampire Hunter D : Bloodlust soit une coproduction entre les Etats-Unis et le Japon via le studio Madhouse. Au départ Vampire Hunter D constitue une série de romans cultes de  Hideyuki Kikuchi, dont l’aura doit également beaucoup aux illustrations qui les accompagnent signés Yoshitaka Amano. Cette esthétique marquée constituera d’ailleurs un des handicaps de la première adaptation Vampire Hunter D : Chasseur de vampires (1985), intéressante mais vraiment trop statique tant les designs d’Amano s’avèrent complexe à animer. 

On évite cet écueil ici puisque Kawajiri nous offre sans doute son film (adapté du troisième roman de la série) le plus formellement somptueux, une véritable splendeur gothique. Le chara-design longiligne des personnages (et plus particulièrement les vampires dont le méchant Meier Link) accentue la dimension romantique et mélancolique, la direction artistique de Yuji Ikehata joue à fond la carte du gothique rococo grandiloquent tandis que la photo de Hitoshi Yamaguchi baigne l’ensemble d’une vénéneuse et oppressante atmosphère nocturne. Ainsi entouré, Kawajiri émerveille par sa virtuosité dans l’action pour offrir des vignettes flamboyantes (cette flèche traversant les croix d’un cimetière pour être saisie en plein vol par D sur fond de clair de lune) mais aussi dans un registre contemplatif tout aussi envoutant (le vol des mantas dans le désert, la découverte du château de Chaythe). Ce sera cependant le scénario qui décevra dans un premier temps avec cette course-poursuite entre le chasseur de vampire D, un groupe de mercenaire et le vampire Meier Link ayant enlevé la jeune Charlotte. 

Kawajiri donne dans la pure redite de ses travaux précédents avec une succession d’affrontement entre D et les sbires de Meier Link, tous dotés de pouvoirs plus étranges les uns que les autres. Déjà cette construction est en tout point identique à celle de La Cité interdite et Ninja Scroll (mais sans le côté course contre la montre mortelle qui les rendait haletant) mais en plus visuellement on sent la censure de la coproduction américaine. Ninja Scroll et La Cité interdite se dotaient d'un bestiaire monstrueux convoquant les contes traditionnels japonais ou encore Lovecraft pour offrir un imaginaire aberrant, dérangeant et sexuel fait de mutations, tentacules et orifices improbables. On retrouve cela mais de façon bien plus aseptisée et sage ici, aucun adversaire ne provoquant la suspension et le malaise d’antan dans une esthétique et des combats « américanisés » et plus orientés comic-book. De plus la férocité barbare des affrontements chez Kawajiri venait du statut humain de ses héros, forcé à un dépassement de soi mémorable pour vaincre les forces des ténèbres (quasi tout Ninja Scroll dont son final d’anthologie). Le taciturne et quasiment invincible D n’offre pas cette possibilité dans des scènes d’action trop brève où il n’est jamais poussé dans ses derniers retranchements.

Ce sera donc la profondeur thématique et la veine romantique réussie qui emportera l’adhésion. Le couple fugitif Meier Link/Charlotte sert finalement de révélateur à D et Leïla, une des mercenaires. D est un être profondément torturé dans sa nature mi-humain/mi-vampire, un solitaire rejeté de tous qui voit dans les fuyards la possibilité d’engendrer un aberration, un monstre et une souffrance égale  la sienne – poursuivre le couple lui permet de fuir son propre mal-être. Leïla quant à elle oublie sa vie et féminité pour l'existence de mercenaire, là aussi la haine nourrissant cette quête en vengeant sa mère tuée par des vampires. L’amour indéfectible et désintéressé de Meier Link et Charlotte va mettre à mal leurs certitudes, la possibilité d’une telle romance les stupéfiant (D stoppé en plein combat en découvrant les sentiments de Charlotte) puis les rendant progressivement plus dubitatif quant à leur traque. 

Kawajiri troque donc l’adrénaline pour la tragédie dans un superbe final où la relecture gothique littéraire (la Carmilla de Sheridan Le Fanu est de la partie) se mêle à l’esthétique post-apocalyptique et steampunk de l’ensemble. Les visions hallucinées du mal ultime se mêlent à un départ déchirant et résigné. Malgré les concessions, la patte de Kawajiri demeure aussi intense dans ce qui est malheureusement sa dernière œuvre majeure puisqu’aucun de ses travaux suivants (hormis le segment d’Animatrix donc) ne s’élèvera à ces hauteurs. 

Sorti en dvd zone 2 français chez TF1 Vidéo


1 commentaire:

  1. Oui, un film visuellement splendide, qui relève haut la main le défi de restituer le style visuel ébourrifant de Amano. Ma rétine se régale, mais je ne parviens pas à faire l'impasse sur certaines compromissions hollywoodiennes (les mêmes qu'on pouvait trouver à la même époque sur Blood the last vampire), avec ces personnages stéréotypés. Impression renforcée par le fait que le film a été produit pour un doublage américain.

    E.

    RépondreSupprimer