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mardi 16 janvier 2018

Les Amants du crime - Tomorrow Is Another Day, Felix Feist (1951)

Incarcéré, dès l'âge de 13 ans, pour avoir assassiné son propre père, Bill Clark est libéré. Il vient de purger une peine de plus de 18 ans de prison. Après une expérience malheureuse, il erre dans New York et croise la route de Kay, taxi-girl dans un dancing. Il en tombe sincèrement amoureux et la raccompagne à son domicile. Là, il découvre qu'elle a une liaison avec un policier. Une bagarre s'ensuit qui tourne au désavantage de Bill. Ce dernier s'écroule, inconscient. Contraints de fuir, les deux amants rencontrent la famille Dawson qui se propose de les héberger chez eux à Salinas...

Les Amants du crime est la plus grande réussite du petit maître du film noir Felix Feist et s'avère un avatar surprenant du genre. Dans un premier temps le récit semble déployer des motifs bien connus qui conduiront à un récit de couple criminel asocial en cavale façon Les Amants de la nuit (1948). C'est d'abord la caractérisation des personnages plutôt que les situations qui sort des sentiers battus. Steve Cochran (remplaçant Burt Lancaster initialement envisagé) plus habitué au rôle de brute épaisse et séducteur fameux dans la réalité incarne ainsi Bill Clark, homme-enfant projeté dans le monde réel après avoir été incarcéré depuis l'âge de treize pour le meurtre de son père.

Le passif de dur à cuire de l'acteur se conjugue ainsi à une vulnérabilité palpable où son ignorance le montre en décalage tant par l'attitude (regard trop insistant avec les femmes, la curiosité enfantine face à une voiture décapotable) que son ignorance des éléments du quotidien (bière à commander dans un bar, prix d'un ticket de bus). Son enfance meurtrie en fait une proie facile constamment rattrapée par ce passé douloureux. A l'inverse c'est dans un âge adulte désabusé que se morfond Kay (Ruth Roman), jeune taxi-girl dont va s'éprendre Bill.

Les deux personnages se côtoient dans un mélange d'attirance et de méfiance au sein d'un paysage urbain synonyme de fatalité où la violence va les rattraper et les forcer à la cavale. Cette fuite repose sur un mensonge quant au crime initial mais désinhibe également le couple, la cohabitation forcée permettant de rapprocher leur solitude. La bascule du pur film criminel (bien présent dans l'imagerie lors des scènes de fuite) se fait ainsi par un pur motif émotionnel. Ce sera par l'émotion subtile d'un dialogue quand Bill annonce faussement détaché sa volonté d'épouser Kay pour assurer leur fausse identité mais cette dernière abandonne pour la première fois son cynisme initial par l'émotion qu'elle trahie face à cette annonce. Ce masque urbain dépassionné se volatilise symboliquement quand elle abandonne sa teinture blonde platine pour retrouver sa chevelure brune. En adoptant ces nouveaux noms/apparences le couple peut paradoxalement être enfin lui-même, plus le criminel juvénile épié pour Clark et plus la fille perdue des villes pour Kay.


C'est un tout autre film qui commence alors avec une œuvre baignée de réalisme social avec une rédemption rurale et par le travail évoquant Les Raisins de la colère (1940) de John Ford, Notre pain quotidien (1934) de King Vidor ou pour rester dans le simili film noir Sang et or (194) de Robert Rossen. La force de la communauté, l'abnégation du travail et l'entraide constituent enfin l'écrin auquel aspiraient Kay et Clark. La relation sincère du couple et le souci de l'autre les éloignent désormais de l'égoïsme inhérent à leur passé, la longue détention sans avenir de Clark et la dérive morale urbaine de Kay.

Cela passe notamment par une remarquable scène où Clark harassé par une première journée de travail manque d'abandonner avant de se reprendre. Cette rupture de ton rend finalement le film aussi attachant qu'inclassable et est grandement due à la patte du scénariste Guy Endorre, membre du Parti Communiste (et bientôt blacklisté par le maccarthysme) qui y prolonge là ses préoccupations sociales. La fatalité inhérente au film noir se heurte ainsi à la bienveillance du récit social dans une conclusion bricolée et ne sachant complètement choisir entre noirceur criminelle et happy-end improbable. Belle réussite.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner

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