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mercredi 17 janvier 2018

La Seconde Madame Carroll - The Two Mrs. Carrolls, Peter Godfrey (1947)

L'action se passe en Grande Bretagne. Geoffrey est un peintre méticuleux, pendant les séances de poses en plein air il fait la cour à Sally son nouveau modèle qui n'est pas indifférente à ses avances. À la suite d'une indiscrétion il est obligé d'avouer à Sally qu'il est marié, mais que sa femme est malade, lourdement handicapée et que ces jours sont comptés. On voit ensuite Geoffrey acheter du poison dans une pharmacie, le produit étant classé dangereux. Deux ans après ces événements, Geoffrey et Sally vivent en couple dans une belle résidence bourgeoise en compagnie de Béatrice. Tout semble aller pour le mieux jusqu'au jours où un ancien flirt de Sally se propose de servir d'intermédiaire pour présenter à Geoffrey une élégante jeune femme (Cecily) qui désire se faire portraitiser. D'abord très réticent ce dernier finit par succomber aux charmes de cette jeune personne.

La Seconde Madame Carroll s'inscrit dans une sorte de courant de variation de Barbe-Bleue au sein du cinéma hollywoodien où on peut regrouper des films comme Caught de Max Ophuls (1949), Hantise de George Cukor (1944) ou Le Secret derrière la porte de Fritz Lang (1948) - sans parler des films plus gothique tels que Rebecca ou Le Château du Dragon (1946). Le film de Peter Godfrey loin d'atteindre ces sommets se situe néanmoins dans cette tradition avec un argument plutôt original pour le néo Barbe-Bleue incarné par Humphrey Bogart, l'accomplissement artistique poussant à l'acte criminel. Geoffrey (Humphrey Bogart) est ainsi un peintre de le renouvellement de l'inspiration passe par un changement d'épouse, le nouvel amour et muse obligeant à éliminer radicalement sa prédécesseuse.

On assiste ainsi à cette bascule en ouverture où s'alterne le début radieux du nouvel amour entre Geoffrey et Sally (Barbara Stanwyck) son nouveau modèle, un bonheur que l'épouse légitime ne saurait gâcher. Les grands espaces naturels de la romance naissante jurent ainsi avec l'appartement exigu du ménage légitime. L'épanouissement de Geoffrey s'illustre dans cette esthétique flamboyante reflet de son art inspiré tandis que le confinement et la présence hors--champ de l'épouse qu'il tue à petit feu par empoisonnement la fige finalement dans une ultime peinture macabre.

L'intrigue relance donc le processus de façon plus prolongé avec un Geoffrey désormais marié à Sally mais qui devra bientôt surmonter son inspiration tarie en s'amourachant de la belle Cecily (Alexis Smith) puis en tuant Sally. Humphrey Bogart retrouve un rôle d'époux criminel deux ans après La Mort n'était pas au rendez-vous de Curtis Bernhardt (1945) où déjà la bascule meurtrière se faisait pour la belle Alexis Smith. C'est d'ailleurs un des problèmes du film puisque Bogart n'arrive pas à retranscrire la dimension d'artiste torturé dans sa prestation. L'acteur avait souhaité garder une présence virile à l'écran et avait exigé de débarrasser le personnage des atours trop voyants de peintre (l'occasion d'une bonne blague de Barbara Stanwyck faisant amener une blouse et un béret sur le plateau en faisant croire à un Bogart furieux qu'il s'agissait d'accessoire) mais fait plus passer une simple folie latente qu'une quête de perfectionnement même maladif de son art.

Passé l'entrée en matière la trame s'avère donc assez poussive et prévisible même si Peter Godfrey relève l'ensemble en donnant un ton plus singulier par le cadre anglais du film. Les intérieurs recherchés et chatoyants prennent ainsi une esthétique progressivement plus inquiétante et gothique dans les contours subtils de la photo de Peverell Marley avec quelques séquences très réussies comme le final à suspense et sa pluie battante à l'extérieur. Malheureusement le déroulement laborieux dans ses révélations (la pièce de Martin Vale, grand succès à Broadway semble avoir été fortement simplifiée) - la petite fille un peu trop mature jouée par Ann Carter étant bien utile - et les rebondissements téléphonés (le verre de lait empoisonné repris du Soupçons d'Alfred Hitchcock (1941)) empêchent tout vrai suspense de s'installer malgré la prestation convaincante de Barbara Stanwyck. Inabouti malgré quelques éléments intéressants.

 Sorti en dvd zone 2 français chez Warner

 

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