L'action se passe en Grande Bretagne. Geoffrey
est un peintre méticuleux, pendant les séances de poses en plein air il
fait la cour à Sally son nouveau modèle qui n'est pas indifférente à ses
avances. À la suite d'une indiscrétion il est obligé d'avouer à Sally
qu'il est marié, mais que sa femme est malade, lourdement handicapée et
que ces jours sont comptés. On voit ensuite Geoffrey acheter du poison
dans une pharmacie, le produit étant classé dangereux. Deux ans après
ces événements, Geoffrey et Sally vivent en couple dans une belle
résidence bourgeoise en compagnie de Béatrice. Tout semble aller pour le
mieux jusqu'au jours où un ancien flirt de Sally se propose de servir
d'intermédiaire pour présenter à Geoffrey une élégante jeune femme
(Cecily) qui désire se faire portraitiser. D'abord très réticent ce
dernier finit par succomber aux charmes de cette jeune personne.
La Seconde Madame Carroll
s'inscrit dans une sorte de courant de variation de Barbe-Bleue au sein
du cinéma hollywoodien où on peut regrouper des films comme Caught de Max Ophuls (1949), Hantise de George Cukor (1944) ou Le Secret derrière la porte de Fritz Lang (1948) - sans parler des films plus gothique tels que Rebecca ou Le Château du Dragon
(1946). Le film de Peter Godfrey loin d'atteindre ces sommets se situe
néanmoins dans cette tradition avec un argument plutôt original pour le
néo Barbe-Bleue incarné par Humphrey Bogart, l'accomplissement
artistique poussant à l'acte criminel. Geoffrey (Humphrey Bogart) est
ainsi un peintre de le renouvellement de l'inspiration passe par un
changement d'épouse, le nouvel amour et muse obligeant à éliminer
radicalement sa prédécesseuse.
On assiste ainsi à cette bascule en
ouverture où s'alterne le début radieux du nouvel amour entre Geoffrey
et Sally (Barbara Stanwyck) son nouveau modèle, un bonheur que l'épouse
légitime ne saurait gâcher. Les grands espaces naturels de la romance
naissante jurent ainsi avec l'appartement exigu du ménage légitime.
L'épanouissement de Geoffrey s'illustre dans cette esthétique
flamboyante reflet de son art inspiré tandis que le confinement et la
présence hors--champ de l'épouse qu'il tue à petit feu par
empoisonnement la fige finalement dans une ultime peinture macabre.
L'intrigue
relance donc le processus de façon plus prolongé avec un Geoffrey
désormais marié à Sally mais qui devra bientôt surmonter son inspiration
tarie en s'amourachant de la belle Cecily (Alexis Smith) puis en tuant
Sally. Humphrey Bogart retrouve un rôle d'époux criminel deux ans après La Mort n'était pas au rendez-vous
de Curtis Bernhardt (1945) où déjà la bascule meurtrière se faisait
pour la belle Alexis Smith. C'est d'ailleurs un des problèmes du film
puisque Bogart n'arrive pas à retranscrire la dimension d'artiste
torturé dans sa prestation. L'acteur avait souhaité garder une présence
virile à l'écran et avait exigé de débarrasser le personnage des atours
trop voyants de peintre (l'occasion d'une bonne blague de Barbara
Stanwyck faisant amener une blouse et un béret sur le plateau en faisant
croire à un Bogart furieux qu'il s'agissait d'accessoire) mais fait
plus passer une simple folie latente qu'une quête de perfectionnement
même maladif de son art.
Passé l'entrée en matière la trame s'avère donc
assez poussive et prévisible même si Peter Godfrey relève l'ensemble en
donnant un ton plus singulier par le cadre anglais du film. Les
intérieurs recherchés et chatoyants prennent ainsi une esthétique
progressivement plus inquiétante et gothique dans les contours subtils
de la photo de Peverell Marley avec quelques séquences très réussies
comme le final à suspense et sa pluie battante à l'extérieur.
Malheureusement le déroulement laborieux dans ses révélations (la pièce
de Martin Vale, grand succès à Broadway semble avoir été fortement
simplifiée) - la petite fille un peu trop mature jouée par Ann Carter
étant bien utile - et les rebondissements téléphonés (le verre de lait
empoisonné repris du Soupçons d'Alfred
Hitchcock (1941)) empêchent tout vrai suspense de s'installer malgré la
prestation convaincante de Barbara Stanwyck. Inabouti malgré quelques
éléments intéressants.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
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