C'est l'été de l'année
1942. Herbert 15 ans vit sur l'île américaine de Nantucket avec ses parents et
deux amis, Oscar et Bernard — tous trois semblent peu se soucier de la Seconde
Guerre mondiale qui ailleurs fait rage. Les trois compères n'ont qu'une idée en
tête : les filles. En même temps qu'avec ses deux amis il essaye de mettre en
pratique le sexe en se basant sur un manuel médical qui consacre quelques pages
au sujet, livre que l'un d'eux a dérobé à ses parents, Herbert tombe sous le
charme d'une femme d'à peu près deux fois son âge, dont il sait dès le début
qu'elle en aime un autre, son mari, un soldat parti à la guerre.
Un été 42 est le
versant romantique du cycle estival et initiatique qui court tout au long de la
filmographie de Robert Mulligan. Chacun des films montrent des personnages
juvéniles arrachés à leur innocence par un contexte (la ségrégation raciale au cœur
de Du Silence et des ombres (1962),
par leur part d’ombre (le fascinant et oppressant L’Autre (1972)) ou par leur premiers émois charnels et amoureux que
ce soit sous l’angle masculin de Un été
42 ou celui féminin du beau Un été en Louisiane (1991). Le scénario du film est totalement autobiographique pour
son auteur Herman Raucher qui y évoque l’été de ses quatorze ans passé sur l’île
de Nantucket dans le Massachussetts et où connu son premier amour, avec une femme
mûre. Raucher officiant alors à la télévision écrit le scénario durant les années
50 en hommage à son ami Oscar "Oscy" Seltzer (joué par Jerry Houser
dans le film) tué durant la Guerre de Corée mais le met de côté en attendant d’avoir
une meilleure opportunité de le voir transposé à l’écran. C’est la rencontre et
la sensibilité de Robert Mulligan qui le convainc de lui confier son script et
le réalisateur en garantissant un budget à l’économie s’assure le soutien de la
Warner.
La force du film tient à son délicat équilibre entre
nostalgie, romantisme et trivialité adolescente. Ces trois éléments s’entremêlent
en permanence dans une veine tour à tour grave, mélancolique ou rieuse. Par ses
cadrages et compositions de plans majestueux de l’île (l’île de Nantucket
désormais trop moderne pour être crédible, le tournage eu lieu à Mendocino en
Calfornie), Mulligan dépeint un environnement nimbé d’une photo diaphane qui
évoque à la fois le souvenir, la rêverie dans la manière dont le héros Hermie (Gary
Grimes) observe énamouré la belle Dorothy (Jennifer O'Neill). Ces deux aspects
se conjuguent avec un paysage magnifiant Dorothy inaccessible et observée de
loin par Hermie et ses amis. Dans ce regard à distance s’exprime tout à la fois
l’amour naissant et un désir physique qui reste très abstrait pour les ados
titillés par leurs hormones mais dans une totale méconnaissance du processus.
Le désir latent inhérent à leur âge passe ainsi par l’humour à travers le
feuilletage d’un livre d’éducation sexuelle volé en douce, mais aussi dans les
maladroites amours adolescente où un simple effleurement de bras durant une
sortie cinéma peut vous mettre dans tous vos états.
Le désir plus concret mêlé à l’amour prend une tournure
nettement plus sensuelle, Mulligan alliant brillamment fascination en capturant
la photogénie et l’élégance de Jennifer O'Neill et trivialité à travers les
réactions à fleur de peau d’un Hermie complètement troublé. Certains procédés qui
pourraient sembler grossiers sont au contraire totalement justifiés, notamment
lors de la scène où Hermie aide Dorothy à ranger des objets dans son grenier.
La silhouette de Dorothy apparait ainsi avec la grâce de la veine distante
initiale (lorsqu’elle traverse le salon pour rejoindre Hermie), plus avec la
dimension plus ouvertement charnelle qu’entraîne cette promiscuité (amorcée
avec la scène de la plage où Hermie la reluque en maillot de bain) avec la
camera s’attardant de façon subjective à travers le regard d’Hermie sur sa
poitrine, ses jambes et ses fesses parfaitement exposés dans ce débardeur et
petit short blanc.
Les inserts de ses courbes surgissant dans l’esprit en rut
de l’adolescent sont donc une manifestation frontale et amusante de son
trouble. Robert Mulligan observe ainsi la maladresse de l’enfance/adolescence
transiter vers les préoccupations plus adultes et masculines, toujours dans ce
jeu entre comédie candide (hilarante scène d’achat de préservatifs) et coming of age plus mélancolique - marqué par des réminiscence visuelle, Hermie désormais amoureux n'obsrvant plus le seul corps de Dorothy en cachette mais en train de lire une lettre de son époux au front. Le
parcours amoureux parallèle d’Hermie et son copain Osczy symbolise bien cela,
la « première fois » gaffeuse d’Osczy (manuel à la main) offrant un
contrepoint à celle, sensible, délicate, silencieuse et chargée de gravité d’Hermie
avec Dorothy. De même la désillusion d la séparation qui suit restera le
souvenir d’un été pour Osczy et celui d’une vie pour Hermie. Notre héros sera
devenu un homme à travers cette expérience où il aura été un substitut plutôt
que réellement aimé alors que son ami conserve de son innocence malgré ce
premier petit chagrin d’amour.
Le spleen latent grandit ainsi progressivement pour nous
mener à cette conclusion où seul le souvenir demeure. Robert Mulligan renoue formellement
avec ce regard à distance, d’abord en en restant au point de vue adolescent d’Hermie
qui observe de loin la maison de Dorothy, puis à travers la hauteur de regard
de l’homme qu’il est devenu avec intervention de la voix-off les vues d’un
crépuscule – celui de son enfance. La Warner ne croyant pas au potentiel du film demande à Herman
Raucher d’écrire en trois semaines une novélisation qui sortira avant et a la
surprise de voir celle-ci devenir un immense best-seller. Le film est alors
faussement vendu comme une adaptation (alors que le film fut pensé et tourné
avant le livre) pour devenir un succès immense et certainement l'oeuvre plus
populaire de Robert Mulligan (bien aidé par l'entêtant score de Michel Legrand) avec Du
Silence et des ombres.
Sorti en dvd zone français chez Warner
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