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mercredi 29 août 2018

Il faut marier papa - The Courtship of Eddie's Father, Vincente Minnelli (1963)

Veuf depuis peu de temps, Tom Corbett vit avec son fils, Eddie, un charmant petit garçon de 8 ans. Une gouvernante prend en charge les soucis domestiques de la petite famille, mais rien ni personne ne vient combler le vide affectif laissé par la défunte. Lorsqu'Eddie tombe malade, il est ravi des soins que lui prodigue une voisine de palier, la ravissante Elizabeth Marten.

Il faut marier papa est un petit bijou de sensibilité où le talent de Vincente Minnelli transcende ce qui n'aurait pu donner qu'une bluette sucrée. Le film adapte un roman à succès de Marc Toby dont la MGM en flairant le potentiel a acheté les droits avant parution. Le film s'inscrit dans un courant de films plus intimistes pour Minnelli, ou du moins plus modeste dans les enjeux et/ou la recherche formelle que ses comédies musicales ou mélos flamboyants. On pense à La Femme modèle (1957) ou Qu'est-ce que maman comprend à l'amour ? (1958). Après les premiers pas d'un couple mal assortis pour le premier et l'émancipation amoureuse de la jeune fille du second, on en reste à cette observation intimiste d'un moment clé d'une famille dans Il faut marier papa.

C'est cependant un passage bien plus douloureux à vivre puis Tom Corbett (Glenn Ford) doit se remettre avec son jeune fils Eddie (Ron Howard) de la récente disparition de sa femme. La première scène dissémine par la seule situation et les réactions des personnages cette nouvelle donne. Tom est dans l'urgence de celui qui n'a jamais fait les préparatifs matinaux basiques de départ à l'école, Eddie a quitté sa chambre dans la nuit pour dormir dans la chambre de son père. L'absence de la mère est une situation neuve plutôt qu'un drame auxquels le père et le fils doivent faire face. Tout cela tient jusqu'à la déchirante question que pose innocemment Eddie à Tom au moment d'entrer en classe : Maman est-elle vraiment morte ?

 Cette tristesse contenue traduit un déni du drame qui s'exprime dans la façon désinvolte dont l'évoque Eddie (qui va courir raconter la mort e sa mère à un camarade comme il le ferait de ses dernières vacances) ou encore l'agacement de Tom face à la sollicitude de ses collègues de travail. Cette retenue ne peut que voler en éclat au moindre évènement qui ravive la tragédie et Minnelli bouleverse par la démonstration crue de la douleur de ses personnages. L'enfant laisse instinctivement s'exprimer sa détresse dans un cri face à un de ses poissons rouges mort, l'adulte se montre plus autodestructeur par l'alcool et une agressivité injuste envers sa voisine Elizabeth (Shirley Jones).

Ce lien père/fils est le ciment qui empêche les deux de sombrer et le scénario excelle à montrer de façon très naturelle la complicité qui règne entre eux. C'est d'ailleurs par l'enfant espérant voir son père refaire sa vie que passent des dialogues étonnamment osés. Les questionnements triviaux sur l'attirance d'un homme pour une femme naissent ainsi des tirades innocentes d'Eddie, ayant parfois des idées bien arrêtées (les femmes sournoises ont des yeux plissés et de grosses poitrines), plus incertaines (quelles sont les mensurations idéales d'une femme) ou certainement amenées à changer (les filles ne sont pas belles de dos papa).

C'est une manière finalement subtile de placer Tom face à ses contradictions et traduire son éveil possible à une nouvelle vie sentimentale. Le film est donc une grande œuvre sur la solitude, celle urbaine où l'espace de la ville intimide au moment de renouer avec un registre e séduction, mais aussi celle de nos entraves intimes. Il y a évidemment le drame du deuil pour Tom, mais la richesse et la subtilité du scénario y ajoute une dimension féministe avec Elizabeth jeune divorcée livrée à elle-même, Rita Behrens (Dina Merrill) femme indépendante mais esseulée et Dollye Daly (Stella Stevens pétulante) jeune femme manquant de confiance en elle. C'est la dernière qui sous la drôlerie est la plus consciente de ses manques et les surmonter, les deux autres se cherchant jusqu'au bout sans forcément se trouver. Là encore Minnelli se montre très fin, ne cédant pas au cliché de la méchante belle-mère pour Rita (mais plutôt en ne la montrant dans son élément uniquement au sein de cadre mondain tandis qu'elle force sa bienveillance avec Eddie) et avec Elizabeth en explicitant peu à peu que son affection sincère pour Eddie est aussi un moyen de se rapprocher de Tom. Cette idée de déni se traduit d'ailleurs par les rapports orageux entre Tom et Elizabeth, la crainte de trop se livrer et souffrir provoquant le conflit.

L'alchimie entre Glenn Ford et un tout jeune Ron Howard est assurément l'atout majeur u film. Glenn Ford se montre magnifiquement humain et vulnérable, attentif puis distrait face aux sollicitations constantes de l'enfant, bienveillant puis injustement colérique comme peut l'être n'importe quel parent malgré toute sa bonne volonté. Il en va de même avec Ron Howard, impertinent et étonnamment mature pour redevenir le garçonnet vulnérable qu'il est encore dans la minute. Cet équilibre constant contribue à un ton toujours juste entre comédie romantique réellement drôle et enlevée puis vrai drame. La dernière partie est un sommet d'émotion à ce niveau, tant dans le mélo donc (la réaction écorchée d'Eddie, la frayeur de Tom) que la candeur confondante avec l'amorce de cette réconciliation téléphonique savamment orchestrée. La magie Minnelli a encore frappée !

Sorti en dvd zone 1  (le disque est multizone) chez Warner

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