Veuf depuis peu de temps, Tom Corbett vit avec
son fils, Eddie, un charmant petit garçon de 8 ans. Une gouvernante
prend en charge les soucis domestiques de la petite famille, mais rien
ni personne ne vient combler le vide affectif laissé par la défunte.
Lorsqu'Eddie tombe malade, il est ravi des soins que lui prodigue une
voisine de palier, la ravissante Elizabeth Marten.
Il faut marier papa
est un petit bijou de sensibilité où le talent de Vincente Minnelli
transcende ce qui n'aurait pu donner qu'une bluette sucrée. Le film
adapte un roman à succès de Marc Toby dont la MGM en flairant le
potentiel a acheté les droits avant parution. Le film s'inscrit dans un
courant de films plus intimistes pour Minnelli, ou du moins plus modeste
dans les enjeux et/ou la recherche formelle que ses comédies musicales
ou mélos flamboyants. On pense à La Femme modèle (1957) ou Qu'est-ce que maman comprend à l'amour ?
(1958). Après les premiers pas d'un couple mal assortis pour le premier
et l'émancipation amoureuse de la jeune fille du second, on en reste à
cette observation intimiste d'un moment clé d'une famille dans Il faut marier papa.
C'est cependant un passage bien plus douloureux à vivre puis Tom
Corbett (Glenn Ford) doit se remettre avec son jeune fils Eddie (Ron
Howard) de la récente disparition de sa femme. La première scène
dissémine par la seule situation et les réactions des personnages cette
nouvelle donne. Tom est dans l'urgence de celui qui n'a jamais fait les
préparatifs matinaux basiques de départ à l'école, Eddie a quitté sa
chambre dans la nuit pour dormir dans la chambre de son père. L'absence
de la mère est une situation neuve plutôt qu'un drame auxquels le père
et le fils doivent faire face. Tout cela tient jusqu'à la déchirante
question que pose innocemment Eddie à Tom au moment d'entrer en classe :
Maman est-elle vraiment morte ?
Cette
tristesse contenue traduit un déni du drame qui s'exprime dans la façon
désinvolte dont l'évoque Eddie (qui va courir raconter la mort e sa
mère à un camarade comme il le ferait de ses dernières vacances) ou
encore l'agacement de Tom face à la sollicitude de ses collègues de
travail. Cette retenue ne peut que voler en éclat au moindre évènement
qui ravive la tragédie et Minnelli bouleverse par la démonstration crue
de la douleur de ses personnages. L'enfant laisse instinctivement
s'exprimer sa détresse dans un cri face à un de ses poissons rouges
mort, l'adulte se montre plus autodestructeur par l'alcool et une
agressivité injuste envers sa voisine Elizabeth (Shirley Jones).
Ce lien
père/fils est le ciment qui empêche les deux de sombrer et le scénario
excelle à montrer de façon très naturelle la complicité qui règne entre
eux. C'est d'ailleurs par l'enfant espérant voir son père refaire sa vie
que passent des dialogues étonnamment osés. Les questionnements
triviaux sur l'attirance d'un homme pour une femme naissent ainsi des
tirades innocentes d'Eddie, ayant parfois des idées bien arrêtées (les
femmes sournoises ont des yeux plissés et de grosses poitrines), plus
incertaines (quelles sont les mensurations idéales d'une femme) ou
certainement amenées à changer (les filles ne sont pas belles de dos papa).
C'est une manière finalement subtile de placer Tom face à ses
contradictions et traduire son éveil possible à une nouvelle vie
sentimentale. Le film est donc une grande œuvre sur la solitude, celle
urbaine où l'espace de la ville intimide au moment de renouer avec un
registre e séduction, mais aussi celle de nos entraves intimes. Il y a
évidemment le drame du deuil pour Tom, mais la richesse et la subtilité
du scénario y ajoute une dimension féministe avec Elizabeth jeune
divorcée livrée à elle-même, Rita Behrens (Dina Merrill) femme
indépendante mais esseulée et Dollye Daly (Stella Stevens pétulante)
jeune femme manquant de confiance en elle. C'est la dernière qui sous la
drôlerie est la plus consciente de ses manques et les surmonter, les
deux autres se cherchant jusqu'au bout sans forcément se trouver. Là
encore Minnelli se montre très fin, ne cédant pas au cliché de la
méchante belle-mère pour Rita (mais plutôt en ne la montrant dans son
élément uniquement au sein de cadre mondain tandis qu'elle force sa
bienveillance avec Eddie) et avec Elizabeth en explicitant peu à peu que
son affection sincère pour Eddie est aussi un moyen de se rapprocher de
Tom. Cette idée de déni se traduit d'ailleurs par les rapports orageux
entre Tom et Elizabeth, la crainte de trop se livrer et souffrir
provoquant le conflit.
L'alchimie entre Glenn Ford et un tout
jeune Ron Howard est assurément l'atout majeur u film. Glenn Ford se
montre magnifiquement humain et vulnérable, attentif puis distrait face
aux sollicitations constantes de l'enfant, bienveillant puis injustement
colérique comme peut l'être n'importe quel parent malgré toute sa bonne
volonté. Il en va de même avec Ron Howard, impertinent et étonnamment
mature pour redevenir le garçonnet vulnérable qu'il est encore dans la
minute. Cet équilibre constant contribue à un ton toujours juste entre
comédie romantique réellement drôle et enlevée puis vrai drame. La
dernière partie est un sommet d'émotion à ce niveau, tant dans le mélo
donc (la réaction écorchée d'Eddie, la frayeur de Tom) que la candeur
confondante avec l'amorce de cette réconciliation téléphonique savamment
orchestrée. La magie Minnelli a encore frappée !
Sorti en dvd zone 1 (le disque est multizone) chez Warner
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