Paolo Anselmi est un
grossiste en électro-ménager, célibataire et heureux. Quand son ami se marie,
il doit quitter l’appartement qu’il partageait avec lui. Il emménage alors dans
une pension où il fait la connaissance d’une jolie jeune femme. Résolu à ne pas
se marier, il la quitte lorsque celle-ci fait sa demande. Alors qu’il rend
visite à sa mère, Paolo se rend compte que celle-ci cherche à jouer les
entremetteuses…
Antonio Pietrangeli avait signé avec Du soleil dans les yeux (1953) un premier film vraiment personnel,
annonciateur d’un cycle sur la condition féminine italienne suivit plus tard d’Adua et ses compagnes (1960), La Fille de Parme (1963) et Je la connaissais bien (1965). Le Célibataire, second film de
Pietrangeli, semble au premier abord un projet plus conventionnel. Avec Alberto
Sordi en vedette, le film parait prolonger la série de veules magnifiques dans
lesquels l’acteur incarne avec délectation les tares humaines les plus
diverses : la lâcheté dans Un héros de notre temps (Mario Monicelli, 1955), la cupidité dans Le Veuf (Dino Risi, 1959) ou encore le
zèle sur L’Agent (Luigi Zampa, 1960).
Avec pareil titre, on s’attend donc à ce que Le Célibataire soit dans la même veine et le film peut être
relativement déceptif si l’on vient uniquement voir Alberto Sordi faire son
numéro. Il faut pourtant se souvenir de l’angoisse et le mal-être latent ne
sont jamais bien loin dans l’outrance comique de Sordi. C’est précisément cet
aspect que va creuser Pietrangeli qui collabore ici pour la première fois au scénario
avec Ettore Scola et Ruggero Maccari qui contribueront ensuite à Le Cocu Magnifique (1964) et Annonces
matrimoniales (1964). Avec cette série de films on peut voir un équivalent
masculin à son cycle féministe. La narration lâche reposant sur l’errance
intime du héros plutôt qu’une construction narrative classique anticipe
d’ailleurs finalement en moins cafardeux
Je la connaissais bien.
Tout au long du récit, Paolo Anselmi (Alberto Sordi) joue
ainsi l’exaltation de la vie de célibataire plus qu’il ne la vit. Ce trépidant
quotidien de séducteur passe pourtant essentiellement par la crédulité de ses
interlocuteurs dupé par ses fanfaronnades orales ou gestuelles – sa manie de s’essuyer
la bouche pour effacer les supposées traces de rouge à lèvres dès qu’il quitte
la promiscuité d’une femme – ainsi que son dégout affiché du mariage. Il en va
autrement dans la pratique où tous les chemins du célibat mènent à la solitude.
L’isolement est d’abord physique quand le mariage de son ami et colocataire l’oblige
à s’installer dans une modeste chambre en pension. Il est ensuite cocasse quand
Paolo se trouve être de trop dans une sortie galante aux couples déjà établis.
Enfin le dépit sera existentiel en le renvoyant à l’état d’enfant vulnérable
lorsque fiévreux il est ramené à sa solitude sans personne pour s’occuper de
lui.
Même les actions de séduction ramènent à cette idée, la goujaterie
du personnage lui ôtant les faveurs de l’élégante Carla (Madeleine Fischer)
tandis qu’elle berne l’hôtesse de l’air Gabriella (Sandra Milo). Ces héroïnes
sont d’ailleurs emblématiques du dilemme de la figure féminine chez
Pietrangeli, une indépendance qui les condamne à la solitude – toute manifestation
de caractère étant un repoussoir pour Paolo – et le moindre abandon qui en fait
des proies de choix. Le réalisateur en fait cependant des êtres forts propre à
se relever (la dernière entrevue cinglante avec l’hôtesse de l’air) ou parvenir
à leur fin. Tout l’inverse de Paolo constamment schizophrène entre sa
superficialité machiste – le gag où il fuit en voyant dans la mère décrépie d’une
possible conquête le physique futur de celle-ci - et sa détresse ordinaire où il n’observe le bonheur que de loin, par procuration.
Ce
machisme est un apparat extérieur qui s’exprime dans une connivence masculine
soulignée plusieurs fois de façon triviale - l’éternel fiancée de la sœur, le
subordonné de bureau récalcitrant - quand le vrai dépit, les sentiments
sincères, ne passent que par l’intimité. Il faut tout le talent d’Alberto Sordi
pour rendre ce personnage touchant à défaut d’attachant - l'acteur emmène clairement là son personnage comique vers les terrains plus anxieux de ses grands rôles à venir comme Mafioso (1962) ou Détenu en attente de jugement (1971), son comportement
relevant plus d’un contexte que d’une vraie méchanceté. C’est pourtant bien des
personnages féminins que nait l’émotion, à l’image de la dernière entrevue avec
Carla. Antonio Pietrangeli tire de Sordi une prestation familière tout en étant
singulière grâce à approche où le portrait de mœurs domine la comédie pure. Le
signe d’une belle cohérence dans ses thématiques, apte à dépasser une possible
formule.
Ressort en salle le 5 septembre
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