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vendredi 23 août 2019

Journey Into Solitude - Tabi no Omosa, Koichi Saito (1972)

Une jeune fille quitte la maison et part seule en voyage. Elle éprouve les joies et l'amertume du monde adulte...

Journey Into Solitude est une œuvre emblématique du réalisateur Koichi Saito. Après des débuts en tant que photographe de plateau au sein de la Nikkatsu, Saito durant les années 60 et 70 signera une série de film en parfaite résonance esthétique et thématique de la jeunesse de l'époque. Versant esthétique cela passe par un côté stylisé et pop que l'on retrouve dans son premier film Tsubuyaki no Jō (1968) sous influence des œuvres anglaises de Richard Lester ou de Claude Lelouch. Pour la dimension thématique Saito va se spécialiser dans les 70's dans les récits d'errance et de retour à la nature, impliquant des personnages juvéniles. Son film le plus célèbre dans cette veine est certainement La Ballade de Tsugaru (1973) qui lui vaudra une certaine renommée internationale. Tous les éléments de cette formule se trouvent déjà dans le magnifique Journey into Solitude, adapté d'un roman de Kukiko Moto.

Le postulat des plus simples voit une adolescente de 16 ans (Yôko Takahashi) fuguer de chez elle pour prendre la route et explorer l'île de Shikoku. Ce cadre est un célèbre lieu de pèlerinage bouddhiste pour les japonais dont les 1 200 km de route abritent 88 temples en l'honneur du moine du Kūkai. Autant d'information que notre héroïne partie à l'aventure ignore et apprendra au fil des rencontres. La bande-son folkeuse de Takuro Yoshida (portée par une ritournelle entêtante) pose une tonalité rieuse ou mélancolique selon l'humeur de la jeune fille tandis que la mise en scène de Sato magnifie dans de saisissants plans d'ensemble les somptueux décors naturels. Saito perd la frêle silhouette de la fille dans le panorama ou s'attarde sur son sourire radieux dans les premières heures enjouées du voyage. La voix-off du personnage énonce les lettres envoyées à sa mère mais constituent tout autant un dialogue intérieur restant habilement nébuleux quant aux raisons de sa fuite. Les micros flashbacks laisse également entendre une relation mère/fille conflictuelle mais en conservant le mystère pour simplement faire passer l'affection mutuelle qu'elles se vouent malgré la séparation.

Les rencontres sont révélatrices du besoin paradoxal de l'adolescente de s'arrêter alors qu'elle ne fait qu'avancer. L'intégration à une communauté (la troupe de théâtre ambulant), les premiers émois sexuels, les amitiés furtives, la quête initiatique du personnage ne consiste pas à se retrouver dans la solitude mais bien de trouver les autres. Ainsi même les individus douteux deviennent par le besoin d'interaction de l'héroïne des interludes lumineux comme cet homme aux mains baladeuses au cinéma qui finira penaud par lui payer un déjeuner. L'imagerie se fait ample pour s'oublier dans le paysage tandis que l'obsession des corps et de leur contact symbolise le sentiment d'attrait et de rejet ressenti par l'adolescente.

Ces corps selon qu'ils soient alanguis, caressants, admirés ou au contraire malmenés, méprisés (le chauffeur routier raillant la mauvaise odeur de la fille) et rejetés anticipent et/ou précèdent les pauses ou les départs du personnage. L'apaisement ne viendra que lorsque, poussé à la rupture, elle s'abandonne et se laisse à son tour soigner. L'atmosphère rurale évoque un Japon plus ancien qui ne semble observé que de manière furtive mais qui s'incarne enfin dans la dernière partie où un point d'attache semble enfin se dessiner. Le schéma de rapprochement fébrile et pressant ne débouche plus sur la fuite mais sur une affection délicieusement indéterminée. Yôko Takahashi est magnifique de présence solaire, incertaine entre candeur enfantine et désir féminin qui s'affirme et dont Sato scrute les contradictions avec belle sensibilité. Une touchante et inoubliable errance.

Sorti en dvd zone 2 et bluray japonais 

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