Une hôtesse de bar de Tokyo est en fuite avec
son amant dont la tête est mise à prix pour avoir tué un chef de gang.
Elle l'emmène dans un village de pêcheurs à Tsugaru, le temps que ses
ennemis l'oublient, et avec l'espoir de fonder une famille.
La Ballade de Tsugaru
est certainement le film le plus connu au Japon et à l'international de
Koichi Saito. Comme dans nombre de ses œuvres des années 70, il s'agit
d'un récit rural où le contact à la nature participe d'un
épanouissement, d'un rapprochement des personnages qui peut s'exprimer
par la maturité d'une jeune fille dans Journey Into Solitude (1972) ou une éphémère romance dans The Rendezvous (1972). La Ballade de Tsugaru
est donc une des œuvres emblématique du courant du retour à la nature
ou plus spécifiquement du furusato (pays natal) qui retrouvera
d'ailleurs un regain à la fin des 80's à l'aune des désillusions de la
bulle économique.
Au départ c'est d'ailleurs l'aspect le plus
intime du furusato qui semble s'exprimer avec l'héroïne Isako (Kyōko
Enami) de retour dans son village natal situé dans la préfecture
d'Aomori, au nord de l'île de Honshū. Elle est en fuite avec son amant
Tetsuo (Akira Oda) yakuza recherché par des complices. Elle a autrefois
quitté ce village en compagnie du fils d'un pêcheur local pour Tokyo
avant que leur histoire tourne court. Ce retour se nourrit donc
essentiellement de regrets, notamment pour sa famille disparue et plus
particulièrement son père et son frère morts en mer. Isako va donc
tenter de s'amender de ses fautes en payant une pierre tombale à sa
famille.
Tetsuo par son apparat déplacé de yakuza et ses attitudes
boudeuses figure totalement le citadin m'as-tu vu hors de son élément.
On suit son ennui manifeste dans ce désert rural où il n'a que faire,
jusqu'à sa rencontrer Yuki (Mihoko Nakagawa) une jeune fille aveugle
avec laquelle il va se lier d'affection. La mise en scène de Koichi Saito
souligne autant la beauté pastorale des décors naturels qu'il sème la
dépression par les environnements abandonnés (signe du déclin économique
de la région) et exprime ainsi la dualité du film. L'envoutement de ces
lieu ne fonction que dans ce qu'on y trouve, même malgré soi, plutôt
que de ce qu'on vient y chercher de manière explicite.
La
rédemption d'Isako va ainsi tourner court au fil des désillusions, des
rencontres glauques (cet affreux patron de bar joué par Hideo Satō) et
finalement des souvenirs douloureux qui se rattachent à ces lieux. A
l'inverse Tetsuo oscille entre son cynisme citadin et le vrai
envoutement qu'exerce progressivement cette nature sur lui, au contact
de la Yuki. Sato passe par la caractérisation des personnages pour
saisir l'attrait de cette campagne plutôt que sur une vision passéiste
et traditionnelle des mœurs rurales. Celles-ci relèvent ainsi parfois de
la superstition et du rejet notamment pour Yuki dont les origines la
mettent au ban de cette communauté, et Tetsuo hésitera longtemps entre
céder à une brutalité facile envers elle plutôt que de laisser exprimer
sa tendresse. La tradition n'importe que dans ce qu'elle laisse
entrevoir de différent aux héros, et jamais dans ce qu'elle leur impose.
Yuki refuse ainsi d'être la disciple d'une sinistre prêtresse locale
mais rêve par contre de devenir une goze, ces musiciennes aveugles
itinérantes qui jouent du shamisen (instrument japonais traditionnel,
sorte de luth à trois cordes) pour gagner leur vie. C'est l'occasion
pour le réalisateur de nous offrir de magnifiques visions où il nous
immerge dans des inserts de peintures de Shin'ichi Saitō représentant de
manière poétique les gonzes. De la même manière les travaux de pêche ne
sont observés que du point de vu exalté de Tetsuo quand il daignera
enfin s'immerger dans ces coutumes locales.
Koichi Saito n'exalte
donc pas la nature comme remède à tous les maux, mais en fait un terreau
de construction intime pour les personnages "vierges" (et on rejoint
finalement le propos de Journey into Solitude).
On apprendra ainsi que Tetsuo qui n'a connu que la ville de Tokyo est
un orphelin, dont le refuge imprévu dans ce village va offrir des
racines et en quelque sorte un père d'adoption avec le personnage du
pêcheur. Il en va de même pour Yuki élevée par sa grand-mère qui va
s'ouvrir aux autres au contact de Tetsuo.
Isako qui traîne une
culpabilité et un passif trop lourd ne peut s'inscrire dans ce
renouveau, ce havre de paix qui n'en est pas ou plus un pour elle (le
scénario laisse d'ailleurs planer une ambiguïté quant à son rôle dans le
dénouement). La Ballade de Tsuguru brille
ainsi par sa célébration d'une ruralité non sous forme de retour en
arrière, mais de renouveau partant de ce que le passé a de meilleur. On
savoure donc ce bonheur simple jusqu'à un douloureux retour sur terre
final.
Sorti en dvd zone 2 japonais
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