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vendredi 6 décembre 2019

New York, deux heures du matin - Fear City, Abel Ferrara (1984)


Matt est un ancien boxeur reconverti dans le business du strip-tease. Il est associé avec son ami Nick dans une société qui alimente les clubs en effeuilleuses dont son ex-amie, la superbe Loretta. Un homme se met à agresser de manière particulièrement sadique les jeunes femmes lorsqu'elles sortent des clubs.

New York, deux heures du matin est le premier film de studio pour Abel Ferrara qui y propose une sorte de synthèse plus conventionnelle de ses premières œuvres. Le récit se déroule notamment dans les milieux urbains sordides et underground que Ferrara autant fréquenté à titre personnel que pour ses films. New York, deux heures du matin a ainsi en toile de fond le monde des clubs de strip-tease de Times Square et notamment celui d’une agence les alimentant, tout comme dans Nine Lives of a Wet Pussy (1976), film érotique et première réalisation sous pseudonyme de Ferrara. On y retrouve également un serial killer particulièrement brutal qui vient noyer sa haine d’un monde dépravé et sa frustration comme Driller Killer (1979) et surtout L’Ange dans la vengeance (1981).

Ces motifs se fondent dans un polar urbain plus classique mais où se retrouvent les thèmes de Ferrara. La narration dans les œuvres les plus fortes du réalisateur s’accrochent souvent au point de vue d’un héros déséquilibré, Driller Killer et L’Ange de la vengeance dans ce qui précède et évidemment Bad Lieutenant (1992) dans ce qui suivra. Cet aspect est en partie dilué ici puisque la trame (lorgnant sur M le maudit de Fritz Lang) constitue un récit plus choral dont Matt (Tom Berenger) demeure tout de même le héros. Dilué car le serial killer incarne une simple menace latente ou frontale dont on ne distingue que grossièrement les troubles psychiques – et pas dénué de ridicule dans l’illustration de ses aptitudes martiales. Par contre symboliquement le tueur représente le pendant monstrueux et explicite de la violence que Matt cherche lui à désormais contenir, lui qui ne s’est jamais remis d’avoir tué un adversaire durant sa carrière de boxeur. Ferrara construit ce parallèle de façon de plus en plus appuyée jusqu’à la féroce confrontation. 

Le message est cependant étrange puisque, sans trop en dire, notre héros reproduira ce schéma violent et expiatoire auxquelles les figures criminelles (la mafia) l’ont encouragé quand celles de la loi (le flic très badass incarné par Billy Dee Williams) auront tenté de l’en prémunir. Et cette issue est vue comme positive.Tant que cela reste latent, le film nous immerge cependant avec brio dans son atmosphère poisseuse. L’excès des scènes de strip-tease (où Melanie Griffiths annonce toute la présence provocatrice et sensuelle qu’elle affichera dans Body Double de Brian De Palma (1984)) tout comme celles très graphiques des meurtres vaudra au film quelques problèmes avec la Fox qui exigera des coupes et se désengagera de la distribution. 

Ferrara capture toute l’ambiance tapageuse et pittoresque de ces clubs, tant dans le filmage des numéros que dans la caractérisation avec notamment un truculent Michael V. Gazzo en patron d’établissement gouailleur. L’emphase est la même dans l’expression de la culpabilité de Matt, dont l’imagerie religieuse annonce les écarts de Bad Lieutenant où le scénariste  Nicolas St. John (fervent croyant) ne retiendra plus les élans blasphématoires de Ferrara. Une œuvre plus convenue donc pour Abel Ferrara (même si pas dénuée d’audaces plus discrètes comme ce couple lesbien traité en toute normalité sans forcer le trait) mais pas inintéressante du tout. 

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez ESC 

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