Entre le récent et sublime Your name de Makoto Shinkai (2016) ou encore le célèbre et hilarant manga (ainsi que son adaptation en série animée) Ranma 1/2 de Rumiko Takahashi, le postulat d'un échange de corps ou d'une mue surnaturelle fille/garçon nourrit l'imaginaire japonais pour le meilleur. Cela se confirme avec ce I Are You, You Am Me sans doute inspiration des œuvres citées plus haut et un des meilleurs films de Nobuhiko Obayashi. Il adapte ici un roman de Hisashi Yamanaka dont l'intrigue voit donc les adolescents Kazuo (Toshinori Omi) et Kazumi (Satomi Kobayashi) suite à une chute près d'un temple être victimes d'un phénomène mystique qui leur fait échanger leur corps.
Obayashi se montre ici moins extravagant que dans son fameux House (1977) ou pour rester dans la romance adolescente surnaturelle The Little Girl Who Conquered Time (1982). C'est avant tout l'étude de caractère à travers le décalage social et physiologique que ressentent les deux personnages qui intéresse le réalisateur. Le début du film fige donc nos héros dans les attitudes associées à leur sexe respectifs, accentués par le contexte lycéen. Kazuo va donc épier avec ses camarades les filles faisant du sport au gymnase tout en infiltrant leurs vestiaires et tripoter leurs sous-vêtements, en bon ado aux hormones en ébullition. Lorsqu'il croise la route de Kazumi, nouvelle élève mais ancienne camarade d'enfance, celle-ci le taquine dans une espièglerie toute féminine. Même s'il semble l'apprécier, il la rabroue avec cette maladresse typiquement masculine et adolescente où l'on ne sait exprimer ses sentiments, jusqu'à l'incident de l'échange des corps. Obayahi dans les premières minutes adopte le noir et blanc pour figurer ce monde normé où chacun(e) est assigné(e) à la place que la société lui désigne, et la couleur est introduite après le switch pour traduire la transformation des personnages mais aussi des codes du monde qui les entoure.
Dès lors le scénario exploite brillamment toutes les situations possibles et imaginables qui mettront Kazuo et Kazumi dans l'embarras. Tout est frontal, que ce soit dans l'exploitation humoristique ou dramatique de la situation. Les dialogues sont crus et l'on appelle un chat un chat (Kazumi dérangé par les variations de taille de son sexe masculin quand elle va aux toilettes, Kazuo découvrant l'indisposition et les douleurs des règles féminines), mais les plus grands obstacles sont finalement sociaux. Kazuo si désinvolte en tant que garçon découvre la réserve que l'on attend d'une jeune fille, que ce soit dans sa manière de s'asseoir, de manger ou même de défendre sa vertu puisqu'on lui reprochera la correction infligée au malotru qui avait soulevé sa jupe. A l'inverse Kazumi en garçon ne sait se plier à la masculinité toxique répandue auprès de ses camarades et se voit rapidement mis au banc pour sa vulnérabilité et ses attitudes maniérées. Les deux acteurs sont excellents, en particulier Satomi Kobayashi dont la métamorphose est jubilatoire, le phrasé vulgaire, l'attitude nonchalante et tout le langage corporel créant un décalage aussi hilarant que crédible. C'est un poil moins heureux pour Toshinori Omi, mais à cause de l'écriture plutôt que sa prestation.
Le film laisse en effet un sentiment étrange quant à son message. Les relents de sa masculinité sont certes gênants pour Kazuo dans ce corps de fille dont l'horizon social est déjà bouché (être jolie, gentille et trouver un bon mari selon les attentes de la mère (Wakaba Irie)), mais lui servent grandement face au machisme ambiant où il/elle se rebiffe plus qu'à son tour. Par contre la féminité de Kazumi est un fardeau constant dont elle ne tirera jamais avantage (hormis avoir de bonnes notes, autre cliché les filles ça travaille mieux à l'école que les garçons) dans ce corps masculin (Kazuo encore garçon se défend d'ailleurs de ne pas être homo en début de film) et sera au contraire source de brimades. Il y a une part de cliché mais il est vrai que la société de ce début 80's, et japonaise de surcroît où c'est d'autant plus marqué encore aujourd'hui, ce clivage fille/garçon était très présent. Ce cliché est d'ailleurs altéré de façon extra diégétique en faisant jouer à Satomi Kobyashi une héroïne aussi libre et extravagante, alors que le cinéma japonais réservait plutôt ce traitement à la mauvaise graine des sukeban, les délinquantes japonaise.
Sorti en dvd japonais zone 2 japonais
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