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mercredi 3 février 2021

The Entertainer - Tony Richardson (1960)

Un artiste de music-hall de second plan tente de sauvegarder sa carrière alors que sa vie part en morceaux.

En 1959 Tony Richardson signe avec Les Corps sauvages un coup d'éclat fondateur du Free Cinema anglais. The Entertainer réunit la même équipe gagnante avec de nouveau une adaptation (par lui-même) de l'auteur John Osborne produite par Harry Saltzman au sein de Woodfall Film Productions, leur compagnie commune fondée pour produire Les Corps sauvages. John Osborne avait sur ce dernier imposé un Tony Richardson sans expérience, car voyant en ce dernier (alors encore critique) un vrai prolongement des angry young men de ses écrits et apte à retranscrire cette rage. La donne est différente dans les origines de The Entertainer. Avant l'adaptation filmique, Les Corps sauvages est une pièce à succès qui va faire de John Osborne un auteur moderne et en vue. Laurence Olivier en quête d'un nouveau ressort dans son métier d'acteur va donc solliciter Osborne pour qu'il lui écrive une pièce qui deviendra The Entertainer jouée à partir de 1957. 

Le succès du film Les Corps sauvages va donc naturellement faire germer l'idée d'une version filmique de The Entertainer et John Osborne va de nouveau solliciter Tony Richardson à priori moins dans son élément que sur le film précédent. Toutes les premiers films produits par Woodfall Film Productions s'inscrivent dans ce courant du Free Cinema et du kitchen sink drama (Samedi soir, dimanche matin de Karel Reisz (1960), Un goût de miel de Tony Richardson (1961), Girl with Green Eyes de Desmond Davis (1964)) et il faudra attendre le virevoltant film historique Tom Jones (1963) pour en sortir et voir Tony Richardson explorer d'autres horizon comme Mademoiselle (1966) ou La Charge de la Brigade légère (1968). The Entertainer amorce déjà cette transition avec un contexte réaliste mais un personnage bien éloigné des angry young men.

Archie Price (Laurence Olivier) est un artiste de music-hall qui ne vit que pour la scène. Cependant le public d'alors se détache de ce type de spectacle et Archie se ruine à monter des spectacles couteux joués devant des salles vides. Poursuivis par les créanciers, vivant dans la menace du bon souvenir des impôts, Archie arbore pourtant son masque d'amuseur dans la vie comme sous le feux des projecteurs au grand dam de son entourage. Sa fille Jean (Joan Plowright) pose un regard aussi dépité que compréhensif face à ce père irresponsable, son fils Frank (Alan Bates) le suis aveuglément dans toutes ses folie et sa femme Phoebe (Brenda de Banzie) subit toutes les facéties et infidélités d'un époux détaché des réalités. Il y a aussi la figure du père d'Archie, Bill (Roger Livesey qui n'a pourtant qu'un an de plus que Laurence Olivier) ancienne gloire du music-hall qui a transmis le virus à son fils mais pas l'aptitude au succès. L'histoire montre donc Archie s'embarquer dans un projet improbable de plus, mais qui cette fois pourrait lui coûter bien plus cher. L'interprétation fabuleuse de Laurence Olivier est un des grands atouts. 

Ce tempérament d'amuseur le rend lumineux à prendre toute chose dans un grand éclat de rire, mais jette un voile bien obscur sur lui quant aux extrémités auquel il est prêt pour se maintenir sur scène. On s'amuse du côté escroc et séducteur tout en étant glacé par le détachement du personnage quant aux conséquences de ses actes pour sa famille. Il y a une forme d'égoïsme, de narcissisme inhérent à cette nature d'artiste et d'homme de spectacle qui se prolonge aussi au personnage de Roger Livesey, vieux cabot nostalgique de sa gloire passée qui aura quelques agissements discutables. Tony Richardson ne les caractérise pourtant jamais comme mauvais, mais plutôt inaptes à la vie réelle à laquelle ils préfèrent les froufrous du music-hall. A la différence des angy young men étouffé dans un présent oppressant et rêvant de liberté, Archie est au contraire un nostalgique d'un passé où il aura su trouver cette ouverture dans le monde du spectacle. Le déclin de cet univers le fige donc dans ce passé, le fige dans ce présent intenable et lui interdit tout futur. 

Cette dimension pathétique rend le personnage très touchant en dépit de ses actions où même quand il se montrera le plus vil on ressent un attachement sincère à sa famille. La sous-intrigue d'un de ses fils soldats prisonnier pendant la crise de Suez a été largement réduite par apport à la pièce, mais ne semble devoir sa présence dans le film que pour une scène cruciale. Archie vient de séduire une beauté aspirante actrice (Shirley Ann Field) en espérant que son père nanti financera son prochain spectacle. Il va pourtant arrêter les boniments à l'horizontale un instant pour allumer le poste de radio et apprendre aux informations que son fils prisonnier a été libéré, et peut ainsi arborer un sourire sincère avant de reprendre sa magouille. 

Tout le film fonctionne ainsi, où tout en montrant le désastre intime (excellente Brenda de Banzie en épouse trahie) on ne peut qu'être admiratif devant la passion de cet homme. Les dernières scènes quittent même la seule notion de narcissisme (puisque l'on aura jamais vu Archie vraiment triomphant dans son art) pour montrer une sorte de quête d'absolu, de sincérité et d'émotion par Archie dans son acharnement, et qu'il atteindra dans ses moments les plus pathétiques, quand cette carrière tant chérie s'éloigne de lui. Un des grands rôles de Laurence Olivier qui ressortira profondément régénéré par le rôle (en plus de rencontrer sa nouvelle épouse Joan Plowrigt sur le tournage alors qu'il rompt avec Vivien Leigh) qui lui vaudra une nomination à l'Oscar du meilleur acteur.

Sorti en bluray et dvd zone 2 anglais chez BFI et doté de sous-titres anglais

2 commentaires:

  1. film baptisé le Cabotin en français. Merci pour cette chronique qui donne envie de voir le film. Avez-vous vu Sanctuaire ?

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    1. Et non pas vu Sanctuaire, ça fait en tout cas parti de ses films que Richardson a fait pour sortir du Free Cinema dont je parlai. Curieux de voir ça !!

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