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dimanche 21 février 2021

Zodiac Killers - Ji dao zhui zong, Ann Hui (1991)

Ben, un étudiant hongkongais à Tokyo rencontre Tieh-Lan, une jeune chinoise qui travaille comme hôtesse dans un bar de Shinjuku. Il se trouve bientôt confronté au monde des yakuzas.

Après le très personnel Song of the exile (1990), Zodiac Killers est, par son budget, tournage délocalisé au Japon et scénario écrit par les prestigieux Wu Nien-jen, une tentative pour Ann Hui de s'ancrer dans un cinéma plus commercial. L'échec du film au box-office va malheureusement entraîner un hiatus de quelques années pour la réalisatrice qui ne reviendra au cinéma qu'en 1995 pour Summer Snow après un bref retour à la télévision. Même si un peu plus mineur, Zodiac Killer n'en reste pas moins marqué par les grands thèmes d'Ann Hui. The Story of Woo Viet (1981) ou Song of The Exile traitent chacun dans des approches différentes la question du déracinement et de la précarité du migrant, japonais à Hong Kong dans Song of the Exile et vietnamien aux Philippines dans The Story of Woo Viet. On va ici suivre la jeune diaspora chinoise au Japon entre Ben (Andy Lau) et Tieh-Lan (Cheri Chung), tous deux étudiants et qui survivent dans des conditions de vie difficiles. 

 Ann Hui dépeint l'urgence et la précarité des petits boulots laborieux pour Ben qui compense la solitude et le mal du pays par son énergie, sa bonne humeur et son hyperactivité. Tieh-Lan vit quant à elle les difficultés inhérentes à sa condition féminine à travers les jobs éreintants et avilissants d'hôtesse de bar, tout en subissant les avances insistantes de son garant au Japon. Toute la première partie du film est l'occasion de voir une facette du Japon et plus spécifiquement Tokyo rarement dépeinte, loin de la cité des néons et plutôt du côté des quartiers pauvres ouvriers excentrés, où vivote cette communauté chinoise. Lorsque Ann Hui filme les plus connus et interlopes quartier de Kabukicho, c'est sans une once de clinquant, adoptant tour à tour le point de vue libidineux des touristes dans les peep-show, où justement des petites mains de cette industrie du sexe notamment par Tieh-Lan au bord de la syncope, forcée de boire pour faire consommer le client.

L'introduction du polar dans cette approche réaliste évite d'être artificielle et renforce cette thématique. On a une autre perspective de ce déracinement à travers le yakuza de retour au pays Asano (Junichi Ishida) qui dans sa quête des valeurs d'antan chez ses anciens associés se sent finalement tout aussi étranger que les chinois. Le "grand frère" Chang Chih (Chung Hua Tou) représente lui ce que l'on sacrifie de son identité et morale pour la réussite en épousant la soeur d'un yakuza, cet aspect négatif étant contrebalancé par l'aide qu'il apporte à ses compatriotes. Tout en assurant son de scènes nerveuses et d'action, Ann Hui insère constamment de petits éléments, des scènes anodines qui apportent une forme de mélancolie et profondeur sous l'urgence

On pense à cette scène de fuite où Ben et Tieh-Lan échangent leurs vêtements avec ceux d'une prostituée décrépie, la séquence commence sur un registre grivois et rigolard avant de gagner une émotion inattendue et rendre sa dignité à la cette femme usée. De même le running gag voyant un ami de Ben montrer à toutes les chinoises qu'il croise la photo de sa fiancée qu'il n'a pas retrouvé au Japon trouve en toute fin une terrible réponse. Toutes les facettes potentiellement putassières livrent une justification dramatique, et Ann Hui en partant toujours d'un cliché réussit à faire le lien tant dans la caractérisation des personnages que des situations sur une dimension réaliste et humaniste. Le tout est porté par un excellent Andy Lau et surtout une belle et poignante Cherie Chung à la fragilité palpable. Belle réussite !

Sorti en dvd zone 2 français chez Metropolitan

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