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mercredi 29 juin 2022

La Maison des bories - Jacques Doniol-Valcroze (1970)

Julien Durras est un professeur d'université géologue, qui décide de passer une année en Haute-Provence avec sa femme Isabelle et ses deux enfants avec lesquels il est un époux et un père sévère et intransigeant. Il accueille un étudiant allemand en géologie, Carl-Stephan, qui doit l'aider à traduire ses travaux et qui apporte légèreté et détente à la maisonnée.

Jacques Doniol-Valcroze, à l’origine journaliste membre fondateur de la revue Les Cahiers du cinéma, va initier à la fin des années 50 le mouvement voyant d’anciennes plumes de celle-ci passer à la réalisation. Il s’avère cependant moins chantre de la modernité que les Godard/Truffaut avec des œuvres caustiques ou d’autres plus surannées comme ce La Maison des bories adapté du roman éponyme de Simonne Ratel publié en 1932. 

L’histoire nous plonge dans un cadre hors du temps, tant dans les mœurs des protagonistes que dans l’espace où ils évoluent. Nous suivons la famille Durras exilée dans une maison de campagne en Haute-Provence le temps que le père Julien (Maurice Garrel) finalise ses travaux de géologie. Pendant ce temps, son épouse Isabelle (Marie Dubois) trompe son ennui tandis que les enfants Laurent (Jean-François Vlérick) et Lise (Marie-Véronique Maurin) entre deux cours particuliers, s’évadent dans le vaste terrain de jeu que constitue la campagne environnante. Julien, patriarche austère et sévère jette cependant un voile d’ombre par ses manières rustres sur la quiétude de la famille. Carl-Stephan (Mathieu Carrière) jeune assistant allemand venu traduire les écrits de Julien, va amener bonheur et quiétude aux enfants, et sans doute aussi à leur mère.

Le film est une petite merveille d’atmosphère, tissant des moments espiègles, contemplatifs et envoutants dans la langueur de l’été et une nature magnifiée par la photo de Ghislain Cloquet. La bande-son portée par le concerto pour piano n° 21 de Mozart accentue cette dimension naïve, rêveuse et sobrement sensuelle quand se révèle progressivement l’attirance entre Isabelle et Carl-Stephan. Jacques Doniol-Valcroze par de menus détails dans les dialogues (le simple fait qu’Isabelle appelle Carl-Stephan par son prénom amène une intimité inattendue), les regards et les situations anodines crée une tension sexuelle accentuée par la photogénie de son casting. La blondeur solaire et éthérée de Marie Dubois étincelle et traduit le trouble face à cet homme qui représente tout ce que son époux n’est pas. Jeune, espiègle, l’allure élancée et le muscle saillant, Carl-Stephan entretient aussi une complicité avec les enfants que leur père n’a jamais recherché, les voyant comme des fardeaux encombrants et bruyants. 

Tout ce climat fonctionne à merveille, le côté certes désuet et suranné participant aussi au charme. Le problème sera de rester jusqu’au bout dans cette surface sans amener un point de rupture à l’intrigue. Jacques Doniol-Valcroze ne choisit pas entre l’amour platonique non consommé et l’adultère explicite pour opter pour un entre deux frustrant. La première option aurait accentué le drame, la deuxième créée une certaine tension sensuelle et dramatique intéressante quant à l’issue du couple et de la cellule familiale. A la place, l’adultère reste « subliminal » par une jolie astuce formelle, mais tout de même désuète cette fois dans le mauvais sens à l’heure de la libération sexuelle. Plus que la frustration de ne pas voir l’union des deux personnages, c’est surtout le sentiment de conformisme qui gêne un peu, la femme ne pouvant exister (même le temps d’une nuit) au-delà de son statut de mère et d’épouse. Le côté bourgeois corseté que le récit semblait vouloir délicatement bousculer au départ se maintient jusqu’au bout, malgré une très légère altération finale (mari et femme qui se tutoient enfin dans la dernière scène). Dommage. 

Sorti en bluray et dvd zone 2 français aux Editions Montparnasse

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