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samedi 9 juillet 2022

La Vie sur un fil - Biān zǒu biān chàng, Chen Kaige (1991)

Un vieux musicien aveugle parcourt le pays avec son jeune disciple Shitou, aveugle lui aussi. C'est lorsqu'il aura casse la millième corde de son qin que le vieux musicien aveugle retrouvera la vue.

Quatrième film de Chen Kaige, La Vie sur un fil fait suite à une trilogie inaugurale (Terre jaune (1984), La Grande parade (1985) et Le Roi des enfants (1987)) qui posa les bases esthétique et thématiques pour les cinéastes chinois de la « cinquième génération ». Suite au succès et à la reconnaissance critique de ces trois films, Chen Kaige bénéficie une bourse du Conseil culturel asiatique qui lui permet de partir étudier à la New York University Film School. La Vie sur un fil est donc une œuvre du renouveau après cette expérience à l’étranger. Alors que sur les précédents Chen Kaige enchevêtrait profondément formalisme, dimension autobiographique et réflexion politique en creux (avec un regard mitigé sur les conséquences de la Révolution culturelle), La Vie sur un fil semble beaucoup plus abstrait et éthéré. 

L’histoire nous plonge dans une Chine primitive où un vieux musicien aveugle (Liu Zhongyuan) parcoure le pays en compagnie de son jeune disciple Shitou (Huang Lei), aveugle également. Le musicien vit dans une forme d’ascétisme bouddhique entièrement dévoué à son art, où en guise de réincarnation (introduite dans une ouverture onirique) il vise à retrouver la vue lorsqu’il aura cassé la millième corde de son instrument. Cette attente lui confère une sérénité et un développement de ces autres sens quasi surnaturels, faisant presque office de prescience et qui le font considérer comme un homme saint dans la communauté du village où ils se sont arrêtés.

Le disciple Shitou s’avère bien plus tourmenté, attiré par l’agitation de la ville et les sens troublés par le charme de Lanxiu (Xu Qing) une jeune villageoise qui lui tourne autour. La portée du récit se veut donc plus métaphysique et onirique, délestée du fond social et politique qui faisait la richesse des films précédents. Le formalisme de Kaige, notamment dans les visions hypnotiques de paysages désertiques à perte de vue, donne dans un exotisme et une étrangeté dépourvue de cette tangibilité politique qui rendait si puissants les films précédents. On a comme l’impression que ce passage à l’étranger l’a éloigné de l’identité chinoise de ses débuts pour ne garder qu’un écrin de ce qu’on pourrait qualifier avec mauvaise foi de « film de festival ».

Le réalisateur affirme cependant que le fond politique est bien là et qu’il a signé une métaphore sur la foi, la prestance du maître signifiant une Chine déçue par les idéologies se réfugiant dans une forme de spiritualité tandis que sa déchéance et l’égarement du disciple incite à poursuivre des sentiments plus réels et palpables. La proposition ne fonctionne que par intermittences, entre deux moments d’ennui ésotériques, Chen Kaige quelques séquences tout simplement stupéfiantes. On pense à ce moment où le musicien stoppe un bain de sang imminent en entonnant son chant et élevant les notes de son banjo au firmament pour stopper les combattants, le tout se terminant en véritable épiphanie pacifiste. De vraies fulgurances donc mais un propos un peu superficiel (ou alors trop opaque pour le spectateur occidental) pour ce qui est la première déception de la part du réalisateur. Mais le superbe Adieu ma concubine (1993) arrive. 

Sorti en dvd chinois

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