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vendredi 22 juillet 2022

Sé infiel y no mires con quién - Fernando Trueba (1985)

Chasses-croises et quiproquos pour un couple adultère dont les membres demandent en même temps a un ami commun de leur prêter sa maison...

Quatrième film de Fernando Trueba, Sé infiel y no mires con quién est un très plaisant exercice de style du réalisateur dans le vaudeville et la screwball comedy. La mécanique assez imparable du récit ne doit rien au hasard puisqu'il s'agit d'une adaptation de la pièce Move Over Mrs Markham (plus connue en France sous le titre Tout le plaisir est pour nous quand elle fut adaptée sur scène en 1972 puis en 2009) du dramaturge et maître de la comédie britannique Ray Cooney. La narration et le dispositif du film paie donc largement son tribut à cette origine théâtrale mais dans l'ensemble Fernando Trueba réussit avec brio à s'en affranchir ou d'en user avec inventivité.

Le postulat est simple mais d'une redoutable efficacité. Paco (Santiago Ramos) et Fernando (Antonio Resines) sont ami et associés au sein d'une maison d'édition qui s'apprête à franchir un cap crucial avec la signature d'une célèbre autrice pour enfant, Adela Mora (Chus Lampreave). Paco est un séducteur impénitent bien que marié à Carmen (Carmen Maura) et s'apprête justement à se désister de ce rendez-vous professionnel pour rencontrer une sulfureuse amante dont il ne connaît pas le visage. Fernando s'avère lui bien trop cérébral, terre à terre et timoré, au grand désespoir de sa femme Rosa (Ana Belén). Il se trouve que Carmen et Rosa sont amies et que, à l'instar de son époux, Carmen s'apprête ce même soir à retrouver son jeune et bel amant militaire. Problème, chacun des époux adultère a décidé de retrouver son amant/maîtresse dans la demeure inoccupée de Rosa et Fernando puisque ces derniers seront en entretien avec la fameuse autrice. 

Toute la première partie du film sert à mettre en parallèle puis entrecroiser le ressenti et les frustrations des couples respectifs. Les confidences et la vantardise des conversations entre hommes/femmes font ainsi l'objet d'un montage alterné qui sert à caractériser chacun et faire monter l'attente quand on devine progressivement que les deux situations adultères vont forcément s'entrechoquer. Fernando Trueba excelle à façonner un écho de dialogues, situations par une belle science du montage, du raccord en mouvement qui rend ce va et vient limpide et inventif. Il faut cependant être très attentif au cumul d'informations véhiculés par les longues discussions car absolument toutes serviront l'ampleur du quiproquo dans la seconde partie (Paco ne connaissant pas physiquement son amante d'un soir, Carmen se faisant passer par jeu pour une prostituée auprès de son amant, la supposée bigoterie de l'autrice visée...).

L'amoralité du couple Paco/Carmen déteint progressivement chez Fernando/Rosa et façonne des dynamiques comiques irrésistibles. Carmen en racontant ses aventures à Rosa titille la libido en berne de celle-ci, qui va se montrer plus entreprenante avec Fernando. Ce dernier ayant malencontreusement trouvé une lettre torride adressée à Carmen soupçonne sa femme de le tromper, et toute l'attitude émoustillée de Rosa correspond aux indices que lui donne Paco quant au comportement d'une femme infidèle. Il y a une sorte de ping-pong dramaturgique qui s'articule de manière redoutablement efficace où Trueba se sert même d'éléments éculés sans doute vieillot du vaudeville pour les retourner à son avantage. On pense au soupçon d'homosexualité du chef décorateur et ami de Rosa, Oscar (Guillermo Montesinos) qui lui-même va soupçonner Paco et Fernando tout à leurs conciliabules de l'être également. Trueba use brillamment de son double décor où le bureau de la maison d'édition donne directement via un passage secret à l'appartement. Les quiproquos ne se déploient pas par le seul dialogue mais aussi par le décor et la mise en scène, un simple cadrage, une profondeur de champ sur des pièces dédoublées et un jeu sur le point de vue pouvant donner en un seul plan presque deux ou trois quiproquos différents. L'esthétique art déco ligne claire très typée années 80 possède un charme fou, Trueba alternant surcharge de mauvais goût (la garçonnière pleine de chausse-trape de Paco) et épure rétro, traduisant aussi par l'environnement les tempéraments différents de chacun. 

La montée en puissance est irrésistible mais étrangement, au moment de l'apothéose qui devrait nous amener au feu d'artifice attendu, Trueba la joue petit bras. Des ellipses frustrantes et pour le coup des effets de théâtre malvenus (le sommet d'une situation de quiproquo seulement entendue et filmée derrière une porte, pourquoi ?), ainsi qu'un retour forcé aux bons sentiments amène une morale absente jusque-là. Le couple Fernando/Rosa est certes attachant mais on pouvait espérer plus d'inventivité pour amener leur réconciliation. On se met alors à imaginer ce que le Pedro Almodovar de Kika (1993) aurait fait de pareille amorce, la belle anarchie qu'il aurait laissée s'exprimer. En parlant de Kika on retrouve d'ailleurs ici la regrettée Verónica Forqué, géniale en secrétaire sexy et folle d'amour. Tour à tour génial et frustrant, Sé infiel y no mires con quién est néanmoins un opus plaisant et annonciateur des réussites de Manolo (1986) Belle Epoque (1992) ou La Fille de tes rêves (1998) où il se lâchera bien plus (il est peut-être corseté ici par le matériau original) dans une latinité comique et un érotisme plus prononcé.

Sorti en bluray espagnol

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