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jeudi 18 août 2022

De l’autre côté du ciel - Entotsu-chou no Poupelle , Hirota Yusuke (2022)

Lubicchi vit au milieu de grandes cheminées dont l’épaisse fumée recouvre depuis toujours le ciel de sa ville. Il aimerait prouver à tous que son père disait vrai et que, par-delà les nuages, il existe des étoiles. Un soir d’Halloween, le petit ramoneur rencontre Poupelle, une drôle de créature avec qui il décide de partir à la découverte du ciel.

 De l’autre côté du ciel est une jolie fable SF adaptée du livre illustré à succès, Poupelle et la ville sans ciel, de Akihiro Nishino qui en signe également le scénario. L’un des principaux défis du film était de rendre justice à l’univers foisonnant du livre, oscillant entre féérie bariolée et oppressante architecture steampunk. Le choix du Studio 4°C s’avère ainsi particulièrement judicieux, tant les propositions esthétiques les plus singulières récentes de l’animation japonaise en sont souvent issues. Mind Game de Masaki Yuaasa (2004), Amer Béton de Michael Aries (2006), la production française Mutafukaz (2017), Les Enfants de la mer (2019) et le récent La Chance sourit à Madame Nikuko de Ayumu Watanabe témoignent d’une volonté d’expérimentation dans laquelle s’inscrit De l’autre côté du ciel. 

La société du récit est clivée dans sa mentalité repliée et les aspirations d’ailleurs de certains de ses habitants, ce qui se prolonge dans l’esthétique protéiforme du film. Les techniques 2D et 3D se mélangent harmonieusement entre les strates de décors et l’animation des personnages. Les imposantes et innombrables cheminées dont la fumée bouchent toute vue du ciel instaurent un panorama industriel glacial où la vie ne peut exister que dans le monde d’en bas. Notre héros Lubicchi vit ainsi dans le souvenir de son père disparu sans doute par sa croyance d’un ailleurs plus libre. Poupelle est la somme des contradictions de ce monde, né de ses déchets mais dont l’âme bienveillante relève de ses croyances oubliées. Le chara-design du personnage fait de bric et de broc, renvoie à la symbolique des peurs (l’association aux créatures de Halloween au début) et à l’ouverture possible des humains dans un « anthropomorphisme » qui le rend aussi fragile qu’expressif. Sa candeur ramène Lubicchi à ses souvenirs heureux avec son père dans un mimétisme émotionnel qui constituera également un rebondissement majeur. 

Yusuke Hirota brille quand il se repose sur les aspérités visuelles de ce cadre, tant dans l’action assez virtuose de mouvement et de richesse des textures, que pour le pouvoir évocateur au service des sentiments. Les allers-retours entre flashbacks et présent atteignent un vrai pic dans le climax très touchant. Ces qualités avant tout formelles rattrapent une progression narrative un peu convenue et le simplisme des antagonistes dont l’idéologie aurait mérité d’être plus fouillée. De l’autre côté du ciel n’en reste pas moins un beau spectacle naïf et une jolie métaphore contre l’obscurantisme.

En salle

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