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vendredi 19 août 2022

The Outsiders - Francis Ford Coppola (1983)


 À Tulsa dans l'Oklahoma en 1961. Deux bandes rivales, qui se détestent, s'affrontent régulièrement. Il y a les jeunes des quartiers pauvres, les Greasers, avec Ponyboy Curtis et des frères plus âgés Darrel Curtis, dit Darry et Sodapop Curtis, dit Soda, ainsi que Johnny Cade, Dallas Winston, dit Dally, Keith Matthews, dit Two-Bits, et Steve Randle (Tom Cruise). Face à eux se dressent les Socs (abréviation de « Social »), issus de familles bourgeoises. Ponyboy rencontre alors Sherry Valance, surnommée « Cherry » à cause de ses cheveux rouges. Elle tente de lui prouver que les Socs ne sont pas tous pareils. Lors d'une bagarre, Johnny, le meilleur ami de Ponyboy, tue un Soc, Bob.

Outsiders est l’occasion pour Francis Ford Coppola de s’atteler à un projet plus modeste après l’échec commercial du dispendieux Coup de cœur (1982) qui l’endetta lourdement. Le film est l’adaptation du roman éponyme de S. E. Hinton publié en 1967. Le projet attire l’intérêt de manière fort originale. Le roman étant très populaire auprès des adolescents américains, les élève de l’école élémentaire Lone Star de Fresno (en Californie) vont adresser avec l’aide de la bibliothécaire, une lettre à Francis Ford Coppola car ils le voient comme le réalisateur idéal pour une adaptation. Le courrier parvient au réalisateur très touché par l’attention, et qui va du coup lire le roman et effectivement y trouver matière à un film. Il va travailler en étroite collaboration avec l’autrice S. E. Hinton et mettre en place un casting de rêve avec la crème des jeunes premiers masculins les plus prometteurs de l’époque tant dans les engagés (C. Thomas Howell, Tom Cruise, Patrick Swayze, Matt Dillon, Emilio Estevez, Rob Lowe, Ralph Macchio) que les refusés ou ceux qui déclineront la proposition (Val Kilmer, Mickey Rourke, Sarah Jessica Parker, Dennis Quaid). 

Sous cette dimension modeste, Outsiders prolonge les questionnements thématiques et les expérimentations visuelles de Coup de cœur, mais d’une façon moins spectaculaire. Dans un premier temps on retrouve la dimension nostalgique et référentielle du film précédent. Ces aspects s’illustraient par l’imagerie de comédie musicale pour Coup de cœur, et le socle est tout aussi cinéphile dans Outsiders. L’antagonisme entre bandes rivales de milieu sociaux différents ainsi que le fétichisme de la bande-originale, tenues et coiffure des protagonistes lorgnent largement (entre autres) sur West Side Story de Robert Wise (sorti d’ailleurs la même année que la trame de Outsiders). Le personnage de Johnny Cade (Ralph Macchio) lorgne quant à lui largement par sa nature chétive, sensible et vulnérable sur Platon (Sal Mineo) dans La Fureur de vivre de Nicholas Ray (1955). De manière général la nature torturée, l’incompréhension et le conflit des jeunes héros avec leurs parents démissionnaires et aînés sévères est aussi une variation sur plusieurs protagonistes de l’instabilité très théâtrale de Jim (James Dean) dans le film de Ray. Si l’inspiration est bien là, Coppola ne s’appuie pas pour autant sur des archétypes et va creuser sa propre voie.

Formellement Coppola cherche à traduire la dichotomie entre l’environnement social et violent des personnages et leur quête d’ailleurs. Le travail sur les compositions de plan des scènes intimistes qui instaure comme un fossé « mental », par l’image, entre des personnages physiquement proches est une idée brillante (et une fois de plus dans la continuité de Coup de cœur) qui permet de comprendre le mal-être commun de Ponyboy (C. Thomas Howell) et Johnny Cade. Le sinistre quartier pauvre de Tulsa dessine la nuit venue une ville fantôme et sans vie, si ce n’est les conflits qui se jouent pour nos adolescents dans les demeures, que ce soit Ponyboy et son frère Darry (Patrick Swayze) ou pire les parents absents à l’image d’un Johnny Cade meurtri qui préfère encore dormir à la belle étoile. Le seul refuge repose sur les copains, l’amitié fusionnelle, la bienveillance des « grands » qui eux aussi sous la virilité sont hantés par des démons autodestructeurs tel Dallas (Matt Dillon fabuleux). 

Dès lors Coppola convoque des visions sublimant le réel pour faire échapper les personnages à leur condition. Lors de leur nuit à l’extérieur, une nuit aux lueurs quasi féériques vient accompagner les discussion naïves et existentielles de Johnny Cade et Ponyboy. Plus tard lors de leur cavale les élans littéraires et rêveurs de Ponyboy transforment littéralement un décor devenant un espace rougeoyant et baroque qui convoque le Victor Fleming de Autant en emporte le vent (1939) ou le King Vidor de Duel au soleil (1947) dans un écrin intime et mythologique. L’abstraction est de mise et les émotions des personnages soumettent totalement la matérialité de l’environnement pour le rendre plus beau, plus ouvert sur l’horizon et un avenir différent possible. Sur le fond, tous les jeunes héros du film vont tenter, en vain pour certains, d’exprimer dans leur quotidien, la sensibilité qu’ils ont pu extérioriser dans ces instants-là. C’est pour eux que, par sa fibre artistique, Ponyboy va rendre hommage dans le bel épilogue du film.

Francis Ford Coppola signe une fois de plus une œuvre innovante où de façon plus introspective que Coup de cœur il se situe entre naturalisme et expérimental, très en avance sur son temps (les écrans verts lors des fameuses scènes d’épiphanies émotionnelles). La stylisation la plus prononcée s’entrecroise à un sentiment écorché et cathartique (Ralph Macchio et Matt Dillon bouleversant), une certaine mélancolie sur les déceptions inéluctables (la romance avec Diane Lane) mais surtout un vrai espoir et une envie d’aller de l’avant. Stay gold. Dans la foulée de ce beau Outsiders, Coppola signera une autre adaptation de S. E. Hinton avec le tout aussi beau Rusty James


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