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samedi 20 août 2022

Autumn Moon - Qiu yue, Clara Law (1992)

 Wai, une jeune Hongkongaise de 15 ans, est sur le point de suivre ses parents au Canada. Au même moment, elle rencontre Tokio, un jeune touriste japonais en pleine confusion existentielle. Très vite ils deviennent amis, malgré les différences de culture.

Autumn Moon est sans doute le film le plus connu et acclamé de la réalisatrice Clara Law. Celle-ci s'inscrit dans une sorte de seconde Nouvelle Vague hongkongaise qui émerge entre le milieu et la fin des années 80 avec des auteurs comme Stanley Kwan, Wong Kar Wai ou encore Mabel Cheung. Si l'on retrouve pour certains un parcours proche des ténors de la première Nouvelle vague du début 80's (Tsui Hark, Patrick Tam, Ann Hui) avec des débuts à la télévision, des études à l'étranger, ils se démarquent néanmoins par une volonté moins grande de déconstruire les genres (ce qui ne les empêchera pas ponctuellement de s'y essayer comme Clara Law avec The Reincarnation of Golden Lotus (1992)) et cherchent plutôt à signer un cinéma plus introspectif et personnel. C'est le cas de Clara Law qui en collaboration avec son époux Eddie Fong (les deux alternant les postes de scénariste et réalisateur sur leurs projet respectifs) va proposer une filmographie captivante dans les années 80/90. Parmi ses films les plus marquant on trouve le traumatisant Farewell China (1988), cauchemardesque évocation de l'exil et, bien que très différent, Autumn Moon creuse en partie le même sillon.

Si Farewell China évoquait les maux des classes pauvres chinoises dans leur tentative d'exil en occident, Autumn Moon s'intéresse à l'avant départ, du point de vue de classes plus aisées mais pour lesquelles le changement est tout aussi difficile à accepter. On va suivre Wai (Pei-Hui Li) une adolescente hongkongaise de 15 ans qui vit seule avec sa grand-mère. Ses parents et son frère aîné ont déménagés au Canada pour les études universitaires de celui-ci et Wai doit les suivre l'année suivante, situation qu'elle vit mal. Elle va se lier d'amitié avec Tokio (Masatoshi Nagase), jeune japonais d'une vingtaine d'année qui est lui en exil à Hong Kong. Tokio observe le monde qui l'entoure avec distance, filmant son quotidien tel un entomologiste avec sa caméra et commentant ses images d'une voix-off désenchantée. Sa mélancolie semble plus existentielle, sans que l'on ne sache vraiment malgré quelques indices les raisons de son exil et de cette errance. Cet usage des images vidéo est en tout cas très novateur, annonçant justement l'introspection et la bulle numérique que certains se constitueront par le biais de leur smartphone. Wai et Tokio se rejoignent en tout cas dans la façon dont ils ont mis leur quotidien en suspens, lui errant sans but dans Hong Kong et elle séchant les cours ce qui provoque leur première rencontre et un dialogue amusant. Why don't you are at work lui demande-t-elle, Why don't you are in school? lui répond-il. Il échange d'ailleurs maladroitement en anglais, langue intermédiaire qui les éloigne ou rapproche de leurs vies passées et à venir dans une forme d'écrin intime qui leur est propre. 

Le souvenir et la tradition jouent un rôle essentiel dans le récit. Lorsque Tokio demande à Wai de l'emmener dans un restaurant local traditionnel, il a la surprise de voir celle-ci le conduire dans un McDonald. En effet c'est dans ce lieu qu'elle a fêté enfant son premier anniversaire en famille elle sait qu'elle n'aura bientôt plus l'occasion d'y revenir. La tradition s'incarne à travers la grand-mère de Wai (Siu Wan Choi) qui va cuisiner des plats typiques qui enchantent Tokio, cette facette très asiatique du repas comme moment de communion et de rapprochement offrant des scènes aussi simples que touchantes. Tokio semble fuir un passé qu'il veut occulter dans cet exil, Wai dans son exil annoncé craint à l'inverse de voir tous ses souvenirs s'estomper. La voix-off de Wai diffère donc de celle de Tokio plus flottante et nourrie de réflexions désabusées, puisqu'elle se rattache essentiellement à l'évocation de moments partagés avec son grand-père décédé, ses parents, les comptines qu'ils lui apprenaient et les lieux où ils l'emmenaient. Les petits gestes du quotidien prennent un tour fondamental pour marquer l'empreinte de cet environnement bienveillant comme le fait de brûler des encens pour le grand-père disparu. Peu à peu, les personnages se nourrissent l'un l'autre et reprennent goût à la vie, se reconnectent à la vie qui les entoure.

Formellement Clara Law filme littéralement Hong Kong comme ce lieu de transit et d'oubli qu'il représente pour les personnages. Toutes l'urbanité de la ville et filmée de manière distante, dans des plongées arpentant la ville depuis le ciel (sans doute filmé en hélicoptère), et les environnements où l'on s'attarde sont plus restreints, associés soit à cette idée de souvenir ou au contraire à la volonté néfaste d'isolement (l'appartement de Tokio). Les personnages secondaires symbolisent d'ailleurs les aspirations contradictoires et les sentiments refoulés des personnages. La grand-mère bien sûr illustre tout ce que Wai ne veut pas quitter, le garçon de son école dont elle est amoureuse tout ce dont elle ne doit plus se soucier. Pour Tokio il s'agira de Miki (Maki Kiuchi) la sœur aînée de sa petite amie d'adolescence, tout autant en perdition et fuite que lui (divorcée, alors que son ex et ses enfants sont retournés au Japon) et avec laquelle il va entamer une liaison. Wai et Tokio s'aident mutuellement à sortir de leur coquille, ce qui permet à Clara Law de livrer de passionnantes réflexions. Le film est vraiment une photographie de Hong Kong alors que la récession est imminente en 1997. 

Cette peur de perdre ses racines mais aussi cette nécessité de partir étaient sans doute au cœur des préoccupations des hongkongais à l'époque, notamment Clara Law ayant en partie fait ses études à l'étranger et qui allait émigrer définitivement en Australie en 1994. Cette perte des valeurs traditionnelles se révèle dans la scène où Wai décide de passer une nuit avec son petit ami, moment où il ne se passera rien tant celui-ci la glace par sa discussion qui ne porte que sur le matériel, ses futures études à l'étranger et les affaires qu'il compte monter une fois adulte. Cela donnera aussi une des plus belles scènes du film lorsque la caméra de Tokio ne capture plus la froideur urbaine, mais au contraire cette tradition en filmant la grand-mère hospitalisée qui lui fait part de ses dernières volontés et comment elle imagine ses funérailles. Tokio a beau ne pas parler cantonais, la douceur de la vieille dame par le prisme de l'image de la caméra éveille une émotion qui fonctionne naturellement et semble faire instinctivement comprendre à un Tokio bouleversé ce qu'elle lui dit.

La photo de Siu-Hung Leung baigne l'ensemble dans une lumière bleutée qui peut autant constituer un doux cocon que cette modernité glaciale synonyme de fossé entre les individus. Cet entre-deux se ressent par le poème définissant l'automne tout au long du film, derniers relents de l'été et d'une certaine idée du bonheur et prémices de l'hiver avec le spleen qui l'accompagne. La réconciliation des protagonistes avec leur passé, présent et futur passera par la célébration des fêtes traditionnelles chinoises et japonaise. Pour Wai c'est une continuité et un bonheur à faire perdurer avec la fête d'automne ou fête de la lune chinoise (ce qui explicite le titre du film) et avec Tokio une manière de renouer avec son identité par le Tsukimi, la fête de la lune d’automne au Japon - manière aussi de montrer la proximité des cultures chinoises et japonaises. Les deux scènes sont somptueusement filmées par Clara Law dans un élans à la fois féérique, fantomatique et chaleureux. Les acteurs sont parfaits d'émotion et de justesse notamment la jeune Pei-Hui Li fascinante de fraîcheur et dont ce sera le seul rôle. Le film fera le tour des festival internationaux où il fera un triomphe, notamment à Locarno où il remportera le Léopard d'or en 1992.

Sorti en dvd zone 1 américain et doté de sous-titres anglais

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