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vendredi 5 août 2022

Eyes of the spider - Kumo no hitomi, Kiyoshi Kurosawa (1998)


 Après avoir retrouvé et assassiné le meurtrier de sa fille, Nijima rejoint le gang d'un vieil ami de lycée.

Eyes of the spider est une production vidéo constituant une sorte d'exercice de style pour Kiyoshi Kurosawa. Le réalisateur se voit proposer de réaliser deux films en deux semaines avec le même casting sur le sujet commun de la vengeance. Le premier film sera Serpent’s Path et le second Eyes of the spider pour un résultat et un traitement très original de ce sujet imposé. Le film s'ouvre directement sur cet assouvissement de la vengeance lorsque Nijima (Shô Aikawa) retrouve capture l'homme qui a assassiné sa fille six ans plus tôt. 

Il va le séquestrer, longuement le battre et l'interroger avant de le tuer prématurément et faire disparaître son corps. De brefs inserts en flashbacks au traitement formel très différent donne à voir la douleur passée de ce deuil avec la découverte du corps de sa fille par Nijima. Ce seront les seuls éléments qui "justifient" en quelque sorte l'acte auquel nous venons d'assister mais finalement par ce choix narratif Kurosawa désamorce, faute de montée en puissance dramatique, le côté dramatique et cathartique de la vengeance. Ce n'est nullement un soulagement et le héros ne s'en sentira pas mieux pour autant, bien au contraire.

Nijima va par hasard retrouver Iwamatsu (Dankan), un vieil ami de lycée qui exerce avec un groupe d'associés le métier de tueur à gages. Connaissant le secret de Nijima, il l'incite à les rejoindre. Notre héros à la fois décomplexé et désensibilisé par son acte initial va montrer des aptitudes et une froideur exceptionnelle dans l'exercice. Nijima s'avère un être désormais éteint qui n'éprouve ni plaisir, ni remord dans ses exécutions, ce que Kurosawa traduit par la tonalité décalée du film. Cette extinction des sentiments s'exprime par un rapport au monde étrange, les environnements traversés sont désertiques, tant dans l'espace urbain que la campagne où va parfois s'évader le groupe. 

Leur existence ne semble avoir aucun sens quand ils ne tuent pas, Kurosawa les associant à des enfants dissipés et incapable de se concentrer. Les moments où ils n'assassinent pas sont des apartés tour à tour absurdes, contemplatifs et étranges fait d'activités tel que le frisbee, la pêche ou les balades en forêt. Lorsque Nijima retrouve le domicile conjugal auprès de sa femme Noriko (Kumi Nakamura), on retrouve ce sentiment de vide du réel. Le couple n'a plus rien de pertinent à se dire, d'instants privilégiés à partager, d'amour à se donner. Leur seul lien est ce deuil qui les hante implicitement, et bien que le film n’ait pas de velléités fantastique, Kurosawa nous livre une séquence spectrale et glaçante dont il a le secret où littéralement le fantôme de la fillette disparue réapparaît. 

On retrouve finalement les thèmes du réalisateur sur l'aliénation, les bas-instincts qui nous hantent et l'extension de cet état d'esprit sur notre environnement. Des films comme Cure (1997), Seance (2001) ou Kaïro (2001) explorent cela à travers le thriller et le fantastique dans une approche profondément désespérée et plus tard le mélo introspectif pour Tokyo Sonata (2009), Shokuzai (2012) ou le beau Vers l'autre rive (2015). Là ce côté décalé, absurde mais profondément mélancolique est une autre forme de proposition singulière mais creusant le même sillon de manière captivante.

Sorti en dvd zone 2 anglais en combo avec "Serpent's Path" chez Thir Films Window

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