Taguchi, un jeune
informaticien, est retrouvé pendu dans son appartement. Sous le choc, ses
collègues cherchent à en savoir plus sur ce suicide inexplicable. La victime a
laissé un mystérieux message contenu dans une simple disquette. De toute
évidence, celle-ci recèle un virus qui contamine ses utilisateurs et a de
graves répercussions sur leur comportement.
Ring de Hideo
Nakata (1998) avait révolutionné le cinéma fantastique japonais (et par
extension mondial par la suite) en croisant le folklore surnaturel local avec
une forme de modernité se fondant dans le quotidien. La terrifiante Sadako apparaissait
ainsi à ses malheureuses victimes à travers une cassette vidéo maudite, une
frayeur ancestrale traçant son chemin vers les mortels grâce aux technologies
contemporaines. Kiyoshi Kurosawa part d’une même idée avec cette fois internet
comme canal guidant les morts vert les vivants pour les tourmenter.
Le traitement de Kurosawa diffère cependant, les fantômes
profitant des maux façonnés par les vivants eux-mêmes pour les assaillir. Le
film distille un malaise croissant rattaché à une profonde solitude urbaine où
le réalisateur nous dépeint l’apathie ordinaire des citadins raccrochés aux
mondes virtuels d’internet plutôt qu’à leur entourage. Cette existence diffère
finalement peu de l’errance éternelle que l’on entraperçoit des fantômes, et c’est
ce mimétisme qui va créer une passerelle d’un monde à l’autre. Kurosawa excelle
à instaurer une désolation qui part de l’intime pour s’étendre à une société
entière. Le premier fantôme apparait ainsi comme dans un rêve, une ombre se
révélant en amorce derrière un rideau lorsque Michi (Kumiko Aso) se rendra chez
son collègue porté disparu. La séparation morts/vivants se révèle par le
cadrage qui sépare la pièce où elle cherche une disquette et celle où s’est
isolé Taguchi, la mort de ce dernier ne se révélant que par une tension sourde
et indicible.
Le réalisateur jouera par la suite du montage et du champ contre
champ pour les glaçants face à face avec les spectres. Le regard médusé du
vivant s’oppose ainsi à l’avancée du fantôme, ce dernier se fondant dans un
décor normal où son teint vitreux et sa démarche incertaine créent un décalage
qui affirme sa nature inhumaine. Peu à peu Kurosawa signifie cette
contamination du monde normal en rendant de plus en plus trouble ce contrechamp
sur les fantômes, d’abord dissimulés dans un recoin de décor (l’apparition à la
bibliothèque) puis de plus en plus visible tout en étant paradoxalement plus
insaisissable avec l’image numérique. Les fantômes constituent un virus
qui gangrène la technologie où leur
présence défie la raison. La bascule se fera lorsque l’écran d’ordinateur
passera de vecteur infecté et altéré du réel à un miroir où c’est au contraire
la réalité qui semble matérialiser le cauchemar de pixel (la magistrale scène
où Harué (Kato Koyuki) observe puis rejoint le regard qui l’observe de dos sur
son écran d’ordinateur).
L’apathie urbaine sert de révélateur à une véritable pulsion
de mort qui va gagner la population progressivement aspirée dans les ténèbres
par une superbe idée formelle. C’est un élément récurrent dans l’œuvre de
Kurosawa où le personnage et/ou l’élément surnaturel, que ce soit l’hypnotiseur
de Cure (1997), l’arbre maléfique de Charisma (1999) ou le manipulateur de Creepy (2017), profite des failles
existantes de ses victimes pour semer le chaos.
L’atmosphère délétère
fonctionne ainsi en creusant le vide des personnages (Harué et Junko (Kurume
Arisaka) qui se répercute dans la désolation du décorum (un talent qu’on
retrouve toujours dans les plus récents Shokuzai
(2012) dans une veine réaliste, ou Invasion
(2017) dans le même élan parano fantastique). Dès lors les quelques tentatives
de spectaculaire jure à la fois par les effets spéciaux médiocres (un crash d’avion
numérique très laid) mais la rupture de ton que cela amène à cette apocalypse
silencieuse. Ni l’amour possible, ni l’amitié ne semble entraver l’avancée d’un
désespoir omniprésent et d’une profonde solitude de l’humanité manifeste dans
un dernier plan saisissant.
Sorti en dvd zone 2 français chez Condor
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